Épidémiologie — L’épidémie dans le monde en 2008

L’édition 2008 du Rapport sur l’épidémie mondiale de sida1disponible sur le site www.unaids.org a été publiée par l’Onusida à la veille de la conférence de Mexico. Pour Peter Piot, le directeur exécutif de l’organisation onusienne, « c’est le rapport le plus encourageant de ces vingt dernières années. Les résultats sont là, l’épidémie recule partout, même s’il y a des zones géographiques où il y a des reprises, comme en Ouganda ou en Europe de l’Est. Trois millions de personnes sont aujourd’hui sous traitement. C’est bien sûr insuffisant, mais qui aurait pu l’imaginer il y a cinq ans ? »2Interview à Libération du 2 août. Piot ne met pas moins en garde : « Tout l’enjeu est le maintien d’une forte mobilisation dans le temps. Baisser la garde, c’est le risque majeur qui nous guette. »

Cet article a été publié dans Transcriptases n°138.

« Aujourd’hui, pour deux personnes qui entament un traitement antirétroviral, cinq autres sont nouvellement infectées, avertit ainsi Peter Piot dans l’avant-propos du rapport. Si nous ne prenons pas des mesures urgentes pour intensifier la prévention du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. nous ne parviendrons pas à maintenir les gains obtenus au cours de ces dernières années, et l’accès universel restera simplement un vœu pieux. »

Les chiffres de la pandémie

Pour la seule année 2007, 33 millions (30,3 millions-36,1 millions) de personnes vivaient avec le VIH, 2,7 millions (2,2 millions-3,2 millions) de personnes ont été infectées par le virus, et 2 millions de personnes sont décédées de causes liées au VIH.

Le nombre annuel de décès dus au sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. a décliné au cours des deux dernières années, passant de 2,2 millions en 2005 à 2 millions en 2007, en partie du fait de l’augmentation substantielle de l’accès au traitement du VIH au cours de ces dernières années.

Bien que le pourcentage de personnes vivant avec le VIH se soit stabilisé depuis 2000, le nombre global de PvVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH a régulièrement augmenté, car de nouvelles infections se produisent chaque année, les traitements prolongent la vie et les nouvelles infections continuent à surpasser le nombre de décès dus au sida.

L’Afrique australe supporte encore et toujours une part disproportionnée du fardeau mondial du VIH, note le rapport?: 35?% des infections à VIH et 36?% des décès dus au sida en 2007 se sont produits dans cette sous-région. Dans l’ensemble, l’Afrique subsaharienne abrite 67?% de toutes les personnes vivant avec le VIH. 60?% des femmes atteintes vivent dans ce continent, ainsi que les trois quarts des jeunes.

Par ailleurs, les taux de nouvelles infections au VIH continuent d’augmenter dans de nombreux pays, tels la Chine, l’Indonésie, le Kenya, le Mozambique, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Russie, l’Ukraine et le Vietnam. L’incidence des infections au VIH augmente aussi dans des pays plus développés comme l’Allemagne, l’Australie et le Royaume-Uni.

Un accès aux traitements plus large

En décembre 2007, on estimait à 2 millions le nombre de personnes sous traitement antirétroviral dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, ce qui représente 31?% de ceux qui ont besoin d’un traitement et une augmentation de 45?% par rapport à 2006.

Le rapport fait état de quelques progressions spectaculaires?: en Namibie par exemple, la couverture des traitements a passé de moins de 1?% en 2003 à 88?% en 2007. Au Rwanda, elle a passé de 1?% en 2003 à près de 71?% en 2007, et en Thaïlande, de 4?% à 61?%.

De 2005 à 2007, le pourcentage de femmes enceintes séropositives qui reçoivent un traitement pour la prévention de la transmission mère-enfant (PTME) est passé de 14?% à 33?%. Au cours de la même période, le nombre d’infections nouvelles chez les enfants a chuté de 410?000 à 370?000. Plusieurs pays ont obtenu une couverture supérieure à 75?% pour la PTME.

En revanche, le rapport alerte sur le fait que les services de traitement du VIH et de la tuberculose n’ont pas été réellement intégrés dans la plupart des pays où un grand nombre de personnes sont infectées à la fois par le VIH et la tuberculose. Seuls 32?% des cas de tuberculose incidente chez des personnes vivant avec le VIH ont bénéficié d’un double traitement pour leur infection à VIH et leur tuberculose en 2007.

La prévention, ça marche

Les données d’Onusida indiquent qu’il existe des avancées significatives en ce qui concerne la prévention des nouvelles affections au VIH dans plusieurs pays gravement atteints. Au Rwanda et au Zimbabwe, des modifications du comportement sexuel ont entraîné un déclin du nombre de nouvelles infections.

Les jeunes de 15 à 24 ans représentent 45?% de l’ensemble des nouvelles infections à VIH et de nombreux jeunes manquent toujours d’informations précises et complètes sur la façon d’éviter d’être exposé au virus. Selon les données d’enquêtes menées dans 64 pays, 40?% des jeunes hommes et 38?% des jeunes femmes de 15 à 24 ans avaient en 2007 des connaissances précises et complètes sur le VIH et sur la manière d’éviter la contamination. Bien que cela constitue une amélioration, en particulier chez les jeunes femmes (qui n’étaient que 28?% en 2005) on reste très loin des objectifs de 2010, fixés à 95?%.

Le rapport note néanmoins que dans un grand nombre de pays parmi les plus atteints, le recours au préservatif augmente parmi les jeunes à partenaires multiples.

La vulnérabilité et les discriminations persistent

Dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, les femmes sont touchées de manière disproportionnée par rapport aux hommes, les différences étant particulièrement marquées entre les sexes dans la prévalence du VIH chez les jeunes, rappelle le rapport, qui donne l’exemple d’une étude récente menée au Botswana et au Swaziland, selon laquelle les femmes qui n’ont pas assez à manger sont deux fois plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels intergénérationnels, 80?% plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels pour survivre, et 70?% plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels non protégés1Weiser et al., (2007), «?Food insufficiency is associated with high-risk sexual behaviour among women in Botswana and Swaziland, PLoS Medicine, 4(10):e260.

L’Onusida insiste donc sur la nécessité d’intégrer dans les priorités des gouvernements et donateurs les stratégies propres à accroître l’autonomie matérielle des femmes (par exemple le micro-crédit), ainsi qu’un investissement important dans l’éducation des filles.

Autre axe de travail mis en avant?: les questions relatives aux violations des droits humains, à la stigmatisation et à la discrimination. En effet, près des deux tiers (63?%) des pays comptent des lois, des réglementations ou des politiques entravant l’accès des populations les plus à risque aux services de prévention, de traitement, de soins, et d’appui en matière de VIH. Sans parler de l’inquiétante augmentation récente du recours au droit pénal en cas de transmission du VIH.

Le rapport rappelle enfin qu’en 2007, 91 pays (principalement à revenu faible ou intermédiaire) avaient des lois interdisant l’activité sexuelle entre adultes consentants de même sexe. Sept pays appliquent la peine de mort aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes.

Des groupes de transmission stigmatisés

Dans pratiquement toutes les régions à l’exception de l’Afrique subsaharienne, le VIH touche de manière disproportionnée les consommateurs de drogues injectables, les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et les professionnel(le)s du sexe.

Dans 40?% des pays – dont la plupart des pays d’Europe orientale, d’Asie et d’Amérique du Nord –, des lois, réglementations et politiques entravent l’accès des consommateurs de drogues injectables aux services liés au VIH. Dans plusieurs pays (y compris l’Arménie, la Grèce, le Mexique, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et la Turquie), moins de 25?% des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ont accès aux préservatifs.

Ce constat alarmant, les congressistes semblent l’avoir entendu puisque une visibilité sans précédent a été accordée aux HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  aux consommateurs de drogues injectables et aux travailleurs du sexe à l’occasion de la conférence de Mexico.