Thème : Vous avez entendu parler de la PREP et du TASP et aimeriez en savoir plus ? Avec l'arrivée du TASP en 2008 et de la PREP plus récemment, l'idée du traitement antirétroviral comme moyen de prévention de la transmission du VIH s'est imposée petit à petit. Vous avez mis le préservatif au placard ou proposez à vos partenaires la PREP ? Venez en discuter avec nous. Invité : Dr Vincent Tribout, médecin responsable du CeGIDD et intervenant au SMIT (consultations PrEP et suivi des PVVIH). Date : (...)
« Sida : premiers espoirs de guérison », titrait avant-hier un quotidien régional, une annonce choc aussitôt reprise par de nombreux médias, sans aucune précaution dans le maniement du vocabulaire.
A l’origine de ce gros titre, la communication faite par la start-up Biosantech qui expérimente avec l’Université Aix-Marseille un vaccin thérapeutique, et qui a scandalisé, selon ses propres termes, le Professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence Nationale de Recherche sur le Sida (ANRS). « On n’est pas du tout avec un vaccin un peu miracle comme on est en train d’essayer de nous le faire croire depuis 24h » a-t-il déclaré hier, ajoutant qu’il s’agissait des premiers résultats d’un essai thérapeutique en cours d’évaluation et à ce jour non validé.
De fait, les données issues de cet essai ne permettent pour l’instant pas, contrairement à ce qui a été annoncé, d’affirmer de façon certaine que le vaccin agit sur les cellules infectées et sur la charge virale.
Rappelons en outre qu’un vaccin thérapeutique a pour objet de ralentir l’évolution d’une infection, de réduire sa gravité et non de la guérir.
Ces dernières années ont été émaillées par les effets d’annonce sur la guérison du VIH, dévastateurs pour les personnes vivant avec le virus, suscitant un espoir vite anéanti.
Mais également très dommageables pour le travail qu’accomplissent les associations de lutte contre le sida, en faisant croire que la solution miracle est à portée de main. Il faut rappeler qu’à ce jour seule la prévention combinée, alliant information, préservatif, dépistage, Prophylaxie pré-exposition (PREP) et le traitement comme prévention (TASP) est efficace pour lutter contre l’infection à VIH. Un programme que promeut le Kiosque / Checkpoint depuis des années, à travers son offre de santé sexuelle.
Lire, à ce sujet, l'article du CRIPS: http://www.lecrips-idf.net/…/2016-03-17,actualite-vaccin-VI…
La réaction du Professeur Delfraissy: http://www.lequotidiendumedecin.fr/…/le-pr-delfraissy-
scand…
L'article publié sur VIH.org: http://vih.org/20160318/communication-autour-du-vaccin-biosantech-nouvel-effet-dannonce-et-reactions-specialistes
« La prévention combinée : un atout individuel pour un enjeu collectif » Comment réussir les nombreux défis de la prévention combinée ? Thème : Avec la prise en charge de la PrEP depuis début 2016, la France est devenue théoriquement capable de mettre une fin rapide à l'épidémie de VIH par la combinaison des différents moyens de prévention existants : préservatif masculin et féminin, TasP, PrEP, traitement universel au dépistage du VIH, dépistage et traitement des IST, accompagnement en santé sexuelle. Mais (...)
Les 24 et 25 septembre derniers, l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) organisait un séminaire intitulé « VIH : Traitement universel précoce, de la théorie à la pratique ». L’occasion de faire le point sur la recherche, principalement à travers les résultats de différentes études menées par l’ANRS, et de souligner combien il est crucial de traiter le plus tôt possible après le dépistage d’une infection à VIH.
L’an dernier, l’ONUsida établissait des objectifs résumés par la formule « 90-90-90 » : il faudrait qu’à l’horizon 2020, 90% des personnes vivant avec le VIH dans le monde soient dépistées, que 90% des personnes connaissant leur séropositivité reçoivent un traitement ARV durable, et que 90% de ces personnes sous traitement présentent une charge virale indétectable (1). Des projections suggèrent que la réussite de ce programme mènerait à la fin de l’épidémie de VIH en tant qu’urgence de santé publique aux environs de 2030.
Dépister davantage, mais aussi plus tôt, pour une mise sous traitement précoce après une contamination par le VIH, ces enjeux ont présidé aux deux journées de séminaire de l’ANRS. Sachant qu’un traitement antirétroviral (ARV) initié de façon précoce, permet, en contrôlant la charge virale, une protection accrue du système immunitaire, avec des bénéfices considérables en termes cliniques, immunologiques et virologiques, et de limiter très fortement le risque de transmission du virus.
Bénéfices immunologiques et virologiques
La période de primo-infection (les premiers temps qui suivent une contamination par le VIH) se caractérise par une activation immunitaire considérable. Or l’instauration précoce d’un traitement ARV efficace contribue à la baisse des antigènes viraux, limite la réplication du virus, et réduit ainsi l’activation immunitaire. Les patients traités en primo-infection présentent une diminution de l’ADN VIH bien plus importante que les personnes ayant débuté un traitement au stade chronique de la maladie, et d’autant plus importante que le traitement est initié très précocement. A un mois d’écart de mise sous antirétroviraux, les résultats s’avèrent différents.
Le traitement précoce va notamment permettre de limiter la constitution des réservoirs, ensemble de cellules qui hébergent le virus à l’état latent dans leur noyau. En cas d’arrêt des ARV, il se réplique à nouveau très rapidement, d’où la nécessité de prendre un traitement à vie. L’essai ANRS OPTIPRIM (2) a évalué chez des patients en primo-infection l’impact sur les réservoirs d’une combinaison de molécules. Les résultats ont montré une limitation de la constitution des réservoirs, en particulier ceux des cellules mémoires ; or si ces cellules ne représentent que 1% de l’ensemble des CD4 lymphocytes, elles abritent un réservoir abondant et ont une longue durée de vie. Chez les patients traités au stade chronique, cette limitation des réservoirs n’existe pas et la restauration immunitaire est plus réduite.
Bénéfices cliniques
Bien que les mises sous traitement soient aujourd’hui en France globalement plus rapides qu’auparavant, et que les baisses de charge virale chez les personnes traitées soient en augmentation, on constate encore beaucoup de prises en charge tardives de personnes présentant un taux de CD4 faible, un retard très dommageable sur le plan clinique. Trois essais ANRS, TEMPRANO, START et HPT N052, ont testé l’efficacité de traitements précoces par rapport à des traitements dits différés, avec pour principaux critères de comparaison les décès, le stade sida et les cancers non liés spécifiquement au sida. Ces tests ont clairement montré les bénéfices cliniques des traitements précoces qui permettent de réduire les risques de certains cancers et d’infarctus, plus fréquents chez les personnes vivant avec le VIH qu’en population générale.
Premier cas pédiatrique de rémission virologique
Le séminaire a été l’occasion de revenir sur le cas de cette jeune française de 19 ans qui a défrayé la chronique cet été. Depuis 1996, 173 enfants infectés par le VIH, dont cent ont commencé un traitement avant l’âge de six mois, ont été inclus à la naissance dans la cohorte ANRS EPF-CO10. L’un de ces enfants, aujourd’hui une jeune fille, connaît une situation sans précédent de rémission très prolongée.
Née d’une mère séropositive, elle a bénéficié d’une prophylaxie post-natale par monothérapie d’AZT, suivie d’une multithérapie débutée à l’âge de 3 mois. Le traitement a été interrompu par la famille durant un an, entre ses 5 et 6 ans. Or la virémie était indétectable lors de la reprise du suivi médical et le traitement n’a pas été réinstauré. Douze ans plus tard, elle est toujours indétectable. On connaissait déjà des cas de rémission prolongée chez des adultes, suite à des traitements ARV initiés dès la primo-infection, appelés « post-treatment controllers », tels les patients de la Cohorte VISCONTI (3) qui, plusieurs années après avoir interrompu leur traitement, contrôlent leur charge virale. Mais on n’avait observé rien de tel jusqu’ici chez des enfants et adolescents infectés en période périnatale.
On parle de « rémission fonctionnelle », car il ne s’agit pas d’une guérison totale, le virus est toujours présent dans l’organisme mais ne semble pas capable de se répliquer. Des questions restent en suspens : seule une fraction des patients traités en primo-infection parviennent à contrôler le virus et l’on ne saisit pas encore bien ce qui les caractérise.
Traiter pour ne pas transmettre
Les analyses d’études ayant pour objet d’estimer le risque de transmission du VIH chez des couples sérodifférents (un seul partenaire est séropositif) ont été présentées lors du séminaire, notamment les résultats intermédiaires de l’étude PARTNER. Dans cette étude européenne lancée en 2012, le partenaire séropositif doit être sous traitement depuis plus de six mois, temps nécessaire pour une action significative des antirétroviraux, et présenter une charge virale indétectable depuis au moins douze mois. Le couple doit avoir des rapports sexuels sans protection ou du moins non systématiquement protégés. Or aucune transmission n’a eu lieu chez l’ensemble de ces couples sur 12 mois, ce qui montre que le traitement comme prévention (TASP) fonctionne lorsque le partenaire séropositif est traité efficacement, avec une charge virale devenue indétectable. Si l’essai HPT N052 avait déjà montré une baisse de 96% des risques de transmission, elle n’incluait que des couples hétérosexuels ; l’étude Partner inclut à la fois des couples hétérosexuels et homosexuels, une première (4).
Allègement thérapeutique
Autre thématique abordée : l’allègement thérapeutique. Le collectif TRT 5 a recueilli de nombreux témoignages de personnes vivant avec le VIH, lassées de prendre des médicaments et/ou désireuses d’améliorer leur qualité de vie, qui allègent leur traitement ARV sans en parler à leur médecin. Avec des conséquences parfois désastreuses. L’allègement thérapeutique sauvage peut mener à un réensemencement progressif des réservoirs, à une majoration de l’inflammation, et à un échappement thérapeutique, le traitement devenant inefficace. Le patient se voit alors contraint de prendre un autre traitement, souvent plus lourd.
Il a été souligné que si des stratégies d’allègement thérapeutique peuvent s’envisager, afin d’améliorer la qualité de vie et réduire la toxicité des ARV, cela doit impérativement se faire au cas par cas, chez des patients bien contrôlés sur le plan virologique. Des examens préalables sont nécessaires, l’allègement n’étant pas indiqué pour une partie des personnes vivant avec le VIH. Pour maintenir le succès thérapeutique, il faut s’assurer au préalable de l’absence de résistance virologique chez les patients, trouver des marqueurs prédictifs de succès ou d’échec de l’allègement envisagé et contrôler plus fréquemment la charge virale.
Des essais ANRS sont en cours, dont l’Essai 4D ICCARE, dans lequel les patients prennent leur traitement 4 jours sur 7, et l’essai PENTA 16, qui inclut des adolescents sous traitement 5 jours sur 7.
Il n’a pour l’instant pas été observé d’augmentation de l’ADN VIH, d’échappement virologique, mais il convient de rester prudent, les données s’avérant satisfaisantes mais insuffisantes ; les recherches doivent se poursuivre.
Essai V3T : « Teste-toi toi-même »
Le séminaire a également été l’occasion de revenir sur la commercialisation de l’autotest rapide du VIH, autorisé à la vente dans les pharmacies et sur Internet depuis le 15 septembre dernier. Une autorisation liée au souci d’augmenter le dépistage, sachant qu’en France environ 30 000 personnes ignorent toujours leur séropositivité.
Deux études menées par l’ANRS, Webtest, qui s’adressait aux Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et Delphi (5) avaient préalablement montré le haut niveau d’acceptabilité de l’autotest. Le Conseil National du Sida (CNS) a estimé que les autotests pourraient permettre de découvrir 4000 nouveaux cas de séropositivité et que 400 nouvelles contaminations pourraient être évitées, dès la première année de commercialisation.
Une étude intitulée VIH : Teste-toi toi-même » sera lancée par l’ANRS en janvier 2016, et aura pour objet d’évaluer l’impact de l’autotest parmi les HSH et les migrants d’Afrique Subsaharienne, deux populations à haute prévalence du VIH. Il s’agira de caractériser les personnes intéressées par l’autotest, celles qui l’utilisent et le contexte de cette utilisation, de repérer les éventuels obstacles à son usage et de quantifier le suivi et le lien vers le soin en cas de résultat positif. L’objectif final étant d’évaluer l’impact de la commercialisation de l’autotest sur l’épidémie de VIH au sein de ces populations, mais aussi de mettre en pace des dispositifs d’informations et d’accompagnement adaptés.
La mise à disposition de ce nouvel outil de dépistage du VIH est une bonne nouvelle. Le dépistage est en effet aujourd’hui au cœur du dispositif de prévention : on l’a vu, seul un dépistage plus important et mieux ciblé, suivi d’un traitement initié dès le diagnostic d’une infection à VIH, pourra permettre d’infléchir l’épidémie.
Murielle Collet
(1) Charge virale indétectable: c’est-à-dire lorsque le taux de particules virales circulant dans le sang est tellement bas qu’il devient indétectable. Une charge virale indétectable ne signifie pas l’absence du virus mais que la quantité de VIH a atteint un niveau inférieur au seuil de détection par les tests. Des études ont montré qu’une charge virale indétectable limitait considérablement les risques de transmission du virus.
(2) Dans cette étude incluant 90 personnes, il s’agissait d’évaluer, sur deux ans, l’impact d’un traitement anti-rétroviral chez des patients traités en primo-infection, notamment sur les réservoirs.
(3) Cohorte de l’étude ANRS VISCONTI. 14 patients, tous diagnostiqués au cours de la primo-infection ont bénéficié d’une thérapie, poursuivie durant 3 ans puis interrompue. Ils présentent la caractéristique commune d’avoir des réservoirs extrêmement bas. Plusieurs années après l’arrêt de leur traitement, ils contrôlent leur infection VIH. La précocité du traitement a ainsi permis de réduire les réservoirs et de préserver le système immunitaire qui a pu contenir le virus.
(4) Sur les 1110 couples inclus initialement dans l’étude, 767 ont été estimés éligibles, dont 282 couples HSH.
(5) L’objectif de l’étude Delphi (2014) était de livrer des recommandations quant à l’information et l’accompagnement d’un dépistage du VIH avec un autotest. Elle s’adressait à des populations définies : HSH, migrants d’Afrique subsaharienne, usagers de drogues, jeunes, personnes transgenres, habitants des DFA.
Carine : juste quelques précisions avant de commencer. Hier, des personnes étaient étonnées de la présence d'acteurs associatifs ou autre, c'est parce que c'est un atelier ouvert, avec des femmes séropositives et des personnes intéressées par le thème de l'atelier. Deuxièmement, je vais vous donner un document, ce n'est pas un bréviaire (Rire), c'est un travail qui a été fait pendant 18 mois par une commission internationale, composée de juristes, d'associations de lutte contre le VIH. Il est intitulé « Le (...)
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2012
Amélie : bonjour à toutes, merci d'être avec nous aujourd'hui. Nous allons commencer par un tour de table afin de nous présenter. Je vous rappelle que l'atelier est enregistré pour la rédaction des Actes, c'est donc les prénoms avec lesquels vous vous présenterez qui seront inscrits dans ces Actes. Jeanine : nous sommes très nombreuses aujourd'hui ,alors en vous présentant très succinctement, merci de dire pourquoi vous avez choisi cet atelier, quelle a été votre motivation. Il est bien évident que ce (...)
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2012
Discours de Jean-Luc Romero-Michel, Président d’Elus Locaux Contre le Sida aux XXe Etats généraux d’Elus Locaux Contre le Sida sur le thème « La réduction des risques comme exercice de démocratie » Paris, le 4 novembre 2015 – Ministère de la santé Madame la Ministre, Madame la Présidente, Mesdames, messieurs, Chers amis, Nous ne le savons que trop bien : dès que l’on parle de drogues en France, la décision ne se fait pas ou très rarement sur des critères objectifs et raisonnables. Les passions se déchaînent, les torses se gonflent, le ton se fait inquisiteur, la morale devient toute puissante. Et pourtant cela fait plus de 10 ans que la politique de réduction des risques a été légalisée, qu’elle est défendue et approfondie aussi à bien à gauche qu’à droite. Rendons à César ce qu’il appartient à César et souvenons-nous du rôle majeur et fondateur de Simone Veil ou Michèle Barzach. Il est amusant de noter que la RDR, ainsi légalisée va à l’encontre de la dogmatique loi de 70 qui pénalise l’usage et a pour but l’éradication de toute drogue. La RDR est une politique pragmatique qui prend en compte l’usager dans son entierté sans avoir pour but de le faire renoncer à l’usage de substances. Pas simple pour le grand public de s’y retrouver entre cette injonction irréaliste d’un monde sans drogues et d’un pragmatisme humain et efficace. Sans nul doute, un jour, il faudra revenir, frontalement, sur la loi de 70. Passons. La politique de RDR est une des politiques sanitaires les plus efficaces qu’il soit : les usagers de drogue représentaient 30% des découvertes de séropositivité au VIH dans les années 90. Moins de 2% aujourd’hui. Pour autant, la RdR ce n’est pas une politique miracle ; c’est une politique qui doit être soutenue, qui doit être approfondie. Voir en elle un politique miracle et donc figée, c’est la tuer ! Pourquoi ce titre « La réduction des risques comme exercice de démocratie » ? La démocratie, c’est le fait de penser, d’organiser, de mettre en œuvre la liberté, l’égalité, plus globalement les droits de l’homme dans la Cité. C’est le fait de reconnaître en l’autre son égal, c’est le fait de le reconnaître comme citoyen à part entière. Et c’est là le fondement même de la RDR. J’en ai parlé il y a quelques secondes en évoquant la loi de 70. La RDR donne des droits ou plutôt reconnait des droits. J’ai l’habitude de le dire : aucune substance n’enlève à l’homme son humanité, je le pense profondément et ce n’est pas faire preuve d’angélisme ou d’aveuglement que de dire cela. Concrètement, la RdR emporte le droit à la santé en premier lieu et on ne peut que se féliciter que la loi de santé admette la RDR au sein du monde carcéral. Enfin devrais-je dire ! Cette politique emporte le droit à la sécurité, je pense notamment au fait de ne pas être considéré comme un délinquant et cela rejoint le débat sur la loi de 70 et son impérieuse remise en cause. Elle emporte également le droit à la dignité. En donnant aux usagers la possibilité de s’occuper de leur propre santé, via la mise à disposition de matériel ou via les programmes d’éducation à l’injection, elle le reconnaît de ce fait un statut de citoyen. Alors oui, si l’on accepte que la démocratie n’est pas qu’un système juridique mais que c’est un régime politique intrinsèquement lié à la notion de respect et promotion des droits humains, la RDR est bel et bien un exercice de démocratie. La démocratie s’exerce aussi sur le plan local et bien sûr si le thème de ces Etats généraux est « la RdR comme exercice de démocratie », vous pouviez de vous-même compléter en disant « exercice de démocratie locale ». Je veux parler évidemment des salles de consommation à moindre risque, thème tabou il y a encore quelques années, thème qui grâce à l’engagement des acteurs de santé, grâce à leur sens de la pédagogie, aura trouvé dans les prochaines semaines une concrétisation. Je me réfère là à la loi de santé qui autorise officiellement son expérimentation. On ne nous aura rien épargné depuis quelques années sur ce thème : plus les caricatures étaient fausses, plus les ficelles étaient grosses, plus les affirmations étaient mensongères, meilleur c’était. Alors certes, nous sommes des latins, nous aimons l’exagération, le débat passionné, les coups de sang mais quand tout cela ne se résume qu’en de piètres mensonges englués dans une idéologie moralisatrice, je ne suis pas sûr que cela soit constructif. Peut-être peut on aimer ce côté latin mais on peut aussi aimer le pragmatisme suisse, il n’y a pas de honte à cela ! Je vais très souvent à Genève, notamment à la rencontre du Quai 9, structure qui gère des dispositifs de réduction des risques et je suis toujours surpris par son inscription au sein du quartier, son intégration. Je discute souvent avec la direction de Quai 9 et je suis toujours étonné du pragmatisme des riverains, de la police, des politiques, qui ne dégainent pas à chaque fois leur diatribe anti-usagers comme peuvent le faire les politiques en France. Rappelons que dans le cadre du référendum tenu le 30 novembre 2008, le peuple suisse a appuyé à 68 % la révision de la loi sur les stupéfiants basé sur quatre piliers dont le traitement avec prescription d’héroïne ! A 76% même, à Genève, ville pilote de cette politique pragmatique et audacieuse. La recette que Quai 9 utilise est la même que celle utilisé par les structures de RDR en France qui certes n’ont pas à gérer, pour le moment, de dispositifs aussi médiatisés que les salles de consommation à moindres risques mais qui, au quotidien, font preuve elles aussi de transparence et d’échanges avec les riverains. Car c’est bien de cette façon que les dispositifs seront le mieux intégrés et acceptés. Non pas en les cachant car cela crée de la suspicion et des peurs irraisonnées et dures à raisonner. Ce sont bien l’application de principes de démocratie locale qui permettront l’acceptation : journées portes ouvertes, relations continues avec le voisinage, les acteurs municipaux. C’est un travail au quotidien à mener, un travail de médiation sociale, un travail d’information et de communication. Ce n’est pas simple, cela prend du temps mais c’est comme cela que l’on doit faire. Quand on connait quelque chose, on en a définitivement moins peur. Cela vaut pour tout, y compris la RDR. Je viens d’évoquer un des articles de la loi de santé et ne peux bien évidemment ne pas évoquer plus largement cette loi de santé dans sa globalité. Même si elle n’est pas définitivement adoptée, on en connaît désormais les grandes lignes. Cette loi est réellement essentielle et je le crois et le dis sincèrement, impactante pour l’avenir. Rassurez-vous mes louanges ne sont pas en lien avec le lieu de la tenue de ces Etats généraux même si nombreux sont celles et ceux dans cet immeuble qui ont œuvré sur la loi et qu’ils l’ont pensé et je tiens à saluer la ténacité de Marisol Touraine et notamment sa ténacité sur les salles de consommation. Evidemment, je ne peux pas vous détailler toutes les avancées ou les manques de cette loi, alors permettez-moi, arbitrairement, de vous donner quelques unes des mesures qui me semblent les plus intéressantes. Ce qui est certain dans tous les cas, c’est que cette loi ne se limite pas aux seuls débats d’actualité, ni aux seuls engagements de programme du Président de la République, François Hollande, sur la tarification et les parcours de soins. Cette loi a bien sûr vocation à travailler sur ces thématiques mais va aussi plus loin, englobant de ce fait l’ensemble du champ sanitaire. Plusieurs focus peuvent être faits au-delà de la question de la réduction des risques pour les usagers de drogues, thème déjà évoqué. Premier focus, évidemment le plus décrié, critiqué, villipendé : la généralisation du tiers payant. Au-delà des hurlements et des postures, des déclarations fracassantes sur la main mise des mutuelles sur santé, cette mesure phare était nécessaire. Rappelons tout de même que, d’après les dernières enquêtes, ce n’est pas moins de 25% des personnes en ALD qui ont déjà renoncé à une consultation du fait de l’avance de frais. Cette simple donnée suffit à elle-même à justifier cette grande mesure de santé publique permettant un accès égalitaire aux soins. En somme le droit à la santé pour toutes et tous. Deuxième focus : le dépistage. Nous le savons toutes et tous, le dépistage du VIH et des hépatites est au cœur de la réponse sanitaire. Si l’on parle du VIH, l’enjeu est clair : dépister celles et ceux qui ignorent leur séropositivité, dépister celles et ceux qui sont les plus exposés au risque d’infection du VIH comme les HSH, les migrants originaires d’Afrique sub-saharienne, les trans. Dépister mieux. Dépister plus. Alors avec la réforme des CDAG/CIDDIST, le lancement des autotests de dépistage du VIH et donc dans la loi, cette consécration du TROD, tout cela va évidemment dans le bon sens. Connaître sa séropositivité est déjà un acte de prévention : rappelons quand même, sans nullement culpabiliser ou pointer du doigt mais ce sont les chiffres qui le disent, que 75% des nouvelles contaminations sont le fait des 20% des malades qui ignorent leur statut sérologique. Troisième focus : la lutte contre les discriminations. Les avancées sont nombreuses. Sur les refus de soins, sur le droit à l’oubli pour les personnes atteint de pathologiques chroniques, et sur deux combats que porte ELCS depuis plusieurs années : l’ouverture du don du sang aux HSH et la fin de l’interdiction des soins de conservation pour les défunts séropositifs. Autant de mesures qui vont dans le bon sens, celui très simple mais si essentiel du respect des personnes. Voilà ce que je voulais dire sur cette loi de santé. Mais vous le savez, le monde de la lutte contre le VIH/sida est exigeant : non pas parce que ce serait là le caprice d’associatifs qui auraient toujours l’Etat dans le viseur, Etat coupable de tous les maux notamment sa lenteur. Non, si nous sommes exigeants c’est que, pendant ce temps, les contaminations continuent, c’est que la maladie et les discriminations et la précarité qui en découlent malheureusement sont la cause de terribles souffrances. Alors comme l’affirmait ELCS dans une précédente campagne de communication : « l’inaction tue ». De quoi exactement je souhaite parler : bien évidemment de la PrEP, (prophylaxie pré-exposition), c’est-à-dire la prise de médicament anti-VIH par des séronégatifs dans un but préventif. Alors bien sûr ce sujet dépasse le thème de ces 20e Etats généraux mais je pense essentiel d’en parler. Soyons très clairs : aujourd’hui, nous savons comment arrêter la transmission du VIH/sida. Promotion de la prévention combinée, autorisation de la PrEP, d’une PreP financièrement accessible, TasP et donc dépistage diversifié tant dans ses formes que dans ses lieux et temps de proposition, mise sous traitement immédiate dès connaissance de la séropositivité. La feuille de route est claire, scientifiquement prouvée, scientifiquement demandée également, aussi bien par l’Organisation mondiale de la santé, que par le rapport Morlat. Aujourd’hui, on attend quoi pour autoriser la PreP ? L’ensemble des associations est mobilisée sur cette question et nous attendons une réponse de la Ministre à la hauteur des défis. Encore une fois, il ne s’agit pas de jouer les insatisfaits, il s’agit d’éviter les contaminations en mettant en œuvre l’ensemble des outils dont nous disposons. J’espère sincèrement que le 1er décembre sera l’occasion une annonce forte sur la PreP et l’annonce, bien sûr, de sa gratuité. Sachons toutes et tous, pouvoirs publics y compris, nous souvenir des leçons du passé : la frilosité politique est bien souvent une erreur, en tous cas, elle l’est quand elle porte sur la santé publique. Alors sachons faire preuve d’un courage pragmatique comme cela est le cas pour la loi de santé publique. Je vous remercie et vous souhaite des débats très constructifs, même si pour la 1èrer fois, je ne pourrai être présent pour conclure nos Etats Généraux. Mais Patrick Teisseire, notre secrétaire général, conclura, j’en suis sûr, bien mieux que je ne l’aurai fait. Bons travaux !
Deuxième partie du compte rendu du docteur Michel Ohayon, directeur du centre de santé sexuelle Le 190, de la 8ème conférence de l'International AIDS Society (IAS) - Vancouver (Canada) du 20 au 22 Juillet 2015. *** Traitement antirétroviral : quand commencer ? L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis son grain de sel sur ce sujet. La recommandation d'initiation d'un traitement reposait jusqu'ici sur le nombre de CD4 en fixant à 500/mm3 le seuil où celui-ci était indiqué. C'est fini et, (...)
La Conférence 2015 de la Société Internationale de lutte contre le Sida (IAS) se déroule du 19 au 22 juillet à Vancouver au canada. Pour suivre cette conférence, nous vous proposons de lire les chroniques des docteurs Hélène Leroy du Réseau Louis Guilloux et Cédric Arvieux du COREVIH Bretagne, publiées sur le site : "COREVIH Bretagne" *** Revue de presse 29 juillet 2015 Le Docteur Ohayon, directeur du 190, dresse un bilan de l'IAS 2015 Objectif : 90-90-90 (3/3) Le TasP : élément majeur de (...)
Même si le déploiement du concept de santé sexuelle semble très en vogue actuellement, les préoccupations en matière de santé sexuelle n'ont pas commencé avec le sida mais bien avant. Dans les années 70, avec la syphilis, l'hépatite B était au premier rang des préoccupations des gays et a servi, bien avant le sida, à concrétiser les règles du safer sex qui se sont répandues dans les années 80 pour se protéger de la transmission du VIH. Ces règles ont permis la quasi disparition des Infections Sexuellement (...)
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Prévention
/
réduction des risques sexuels,
Affichage Une,
pratiques safe / pratiques à risques ,
PrEPs,
sérotriage séroadaptation sérosorting,
TASP (traitement comme prévention),
autotest
Les premiers résultats de la première phase de l’essai ANRS 12249 TasP montrent "qu’une proposition répétée de dépistage du VIH à domicile est bien acceptée par une population rurale d’Afrique du Sud", indique un communiqué (23 juillet ) de l’ANRS et de l’INSERM.... Lire la suite
Traitements et droits humains
Partie, je trouve, un peu timidement et ce, je pense à cause d'un nombre plus réduit de délégués qu'à l'accoutumée et d'activistes moins visibles que d'habitude, la 20e Conférence internationale sur le sida a finalement été très riche et a tenue ses promesses. D'abord sur les droits humains et les populations clés : beaucoup de sujets tournaient autour de cela, on sent que, aussi bien du côté des institutions que des associations, c'est devenu LA priorité. C'est un peu le retour aux enseignements de Mann qui, le premier, fit le lien entre respect des droits humains et lutte contre le sida. C'est une approche que je défends également depuis un bon nombre d'années : sans respect des droits humains assuré par des loi respectées et appliquées par les autorités, pas de dépistage ou d'acccès aux traitements ! De nombreuses sessions abordaient très concrètement les stratégies pour faire respecter, dans des contextes nationaux très différents, les droits humains des HSH, des usagers de drogues, des prisonniers, des jeunes filles. Ce respect des droits humains, c'est tout simplement une des clés pour envisager réellement la fin du sida pour 2030, objectif annoncé de l'Onusida. Cette question-clé est d'une terrible actualité. Selon un rapport du programme Onusida publié la semaine dernière, 79 pays ont des lois qui criminalisent les pratiques sexuelles entre personnes du même sexe et sept prévoient la peine de mort... Je pourrais également donner bien d'autres chiffres, par exemple sur le nombre de pays criminalisant la transmission ou autre. En France également, on peut se demander également si ce respect des droits humains est clairement compris et si la réaction des pouvoirs publics est cohérente et à la hauter des enjeux : chiffres accablants de l'état de l'homophonie dans le rapport de SOS Homophobie, retard et problèmes pour la salle de consommation à moindre risque (pour information, à Melbourne, elle fonctionne très bien et ne pose strictement aucun souci … soit dit en passanr), débat sur la pénalisation du client ... Ensuite, sur les traitements : globalement, ce sont 19 millions d'années de vie qui ont été sauvées depuis 1996 grâce à la généralisation des ARV ! 19 millions !Au-delà du curatif, le traitement est un outil de prévention que ce soit pour les séropositifs ou les séronégatifs. - En direction des séropositifs, c'est la stratégie « Treatment as Prevention » (TasP) : traiter précocement les personnes touchées en utilisant une combinaison efficace d'ARV permet une réduction du risque de transmission de 90%. Très beau sur la papier, ce chiffre suppose que les personnes se dépistent, toujours bien évidemment en ne touchant pas à ce sacro-saint principe du volontariat : pas de dépistage forcé. Cette question de l'accès au dépistage est central dans ce sens où 19 millions des 35 millions de personnes vivant avec le VIH ignorent leur statut sérologique. Dépister pour traiter, voilà l'enjeu ! D'où beaucoup de discussions pour rapprocher le dépistage des personnes et si séropositivité, susciter la prise de traitements et l'adhésion à ceux-ci. - En direction des séronégatifs, c'est la prophylaxie pré-exposition (PrEP) qui était en débat et à l'honneur avec la présentation de résultats très intéressants des enquêtes « iPrEx OLE » et « Ipergay ». Des résultats qui doivent nous inciter, en France, à réfléchir très concrètement aux modifications qui devront être faites en matière de prévention, notamment en diirection des HSH. Voilà selon moi les deux stars de la conférence : traitements et droits humains ! Et alors que s'achève cette 20e conférence, déjà se profile ces deux années qui vont nous amener à Durban, en Afrique du Sud,un pays cher à mon cœur. Pays symbole des errements criminels des politiques (rappelons nous que les plus hautes autorités de l'Etat affirmaient que l'ail et le citron étaient les seuls remèdes pour le VIH/sida …), il passe aujourd'hui pour un modèle de réponse. Il a d'ailleurs été annoncé que l'Afrique du Sud se fixait comme objectif d'appliquer la règle des 90% dès maintenant. J'étais déjà présent à Durban en 2000, j'ai hâte d''y être en 2016 ! Jean-Luc ROMERO-MICHEL
par Michel Bourrelly, en direct de Melbourne
Aujourd'hui c'est au tour du Professeur Salim Abdool Karim, d'Afrique du Sud, pour qui l'épidémiologie et la prévention sont les deux phares dans son parcours, de survoler en quelques minutes et de façon brillante les 33 dernières années depuis la production du premier article en 1981 traitant d'une nouvelle maladie, très vite suivi par celui qui scelle la découverte du VIH, écrit par Françoise Barré-Sinoussi. Rapidement, le Professeur Abdool Karim comprendra, avec d'autres, que dans cette lutte contre le sida il faudra toujours plus de recherches, toujours plus de sciences et toujours plus de mobilisation.
Ces 25 dernières années, si les modes de contamination n'ont pas changé, les moyens de les éviter ou de les réduire ont considérablement évolué. Il s'agit à la fois de moyens organisationnels, comme la création de structures internationales au milieu des années 1990 (ONUSIDA...), et de découvertes scientifiques qui sont venues améliorer l'espérance de vie des personnes infectées, de 1998 à 2005, et faire augmenter le nombre de personnes vivant avec le VIH en fléchissant la courbe des décès. Depuis 2005, une nouvelle ère a vu le jour, car la courbe des nouvelles contaminations a également commencé à décroître et a chuté ces 9 dernières années!
En effet, ces trois dernières années, enfin, nous avons constaté des preuves de l'efficacité de la prévention ou plutôt DES préventions. Nous avons désormais des évidences scientifiques sur des résultats de pratiques ou d'outils et cela ne va pas s'arrêter là, avec le traitement comme prévention (TAsP, PrEP), les microbicides, la circoncision... d'autres outils doivent être cherchés, trouvés et proposés.
Début mars 2014 s’est tenue à Boston (Etats-Unis) la 21ème conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI). Cette conférence internationale réunit chaque année les spécialistes de la recherche sur le VIH/sida et permet de faire le point sur les avancées scientifiques et médicales. Le 3 avril dernier, les COREVIH(1) d’Ile-de-France organisaient une soirée/débat post-CROI, avec une présentation des principaux sujets abordés lors de la conférence. Parmi les bonnes nouvelles, les résultats très positifs de l’étude Partner, qui confirme l’intérêt des traitements ARV en tant qu’outils de prévention du VIH, et l’arrivée de molécules révolutionnaires contre le VHC.
Présentés lors de cette édition 2014 de la CROI, les premiers résultats de l’étude Partner sont enthousiasmants. Cette étude européenne en cours a pour objectif d’évaluer le risque de transmission du VIH au sein de couples sérodifférents (un seul des partenaires est séropositif). Les critères d’inclusion sont les suivants : le partenaire séropositif doit être sous traitement et présenter une charge virale indétectable (2) depuis au moins douze mois, le couple doit avoir des rapports sexuels sans protection ou du moins pas systématiquement protégés. Sur les 1110 couples inclus initialement dans l’étude, 767 ont été estimés éligibles, dont 282 couples HSH (Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), une première. (3)
Efficacité du traitement comme prévention
Les résultats de l’étude sont remarquables puisqu’il n’y a eu aucune contamination chez l’ensemble des couples sur une période de 12 mois (4). On estime qu’en l’absence de traitement pour le partenaire séropositif, 15 contaminations auraient dû avoir lieu au sein des couples hétérosexuels, 86 chez les couples HSH. L’étude confirme que le Tasp, le « traitement comme prévention », fonctionne : lorsqu’une personne séropositive a un traitement efficace, le virus est contrôlé et le risque de transmettre le VIH à un partenaire sexuel devient extrêmement faible. Ces résultats viennent renforcer les recommandations françaises du rapport Morlat (5), paru en 2013, qui préconise une mise sous traitement de toutes les personnes vivant avec le VIH, et ce dès le diagnostic de la séropositivité (6).
Réservoirs du VIH et traitement précoce
D’autres résultats, ceux de l’étude française ARNS-OPTIPRIM, viennent conforter l’intérêt d’une mise sous traitement la plus précoce possible.
Dans cette étude incluant 90 personnes, il s’agissait d’évaluer, sur deux ans, l’impact d’un traitement anti-rétroviral chez des patients traités en primo-infection (dans les premiers temps qui suivent une contamination par le VIH), notamment sur les réservoirs. Les réservoirs désignent un ensemble de cellules qui hébergent le virus à l’état latent dans leur noyau ; il y demeure comme endormi. En cas d’arrêt des antirétroviraux, il se réplique à nouveau très rapidement, ce qui implique la prise de traitements à vie. Ces réservoirs se constituent très tôt, dans les premiers temps de l’infection. Or les résultats d’OPTIPRIM montrent, chez l’ensemble des personnes participant à l’étude, que le traitement ARV limite la constitution de ces réservoirs. On observe par ailleurs une protection du système immunitaire accrue, grâce au contrôle précoce de la réplication du virus lors de la primo-infection.
Traitements de l’hépatite C : la révolution
Il y a 3 ans, la découverte de deux molécules amorçait une révolution en matière de traitements de l’hépatite C (VHC) : le Boceprevir, et surtout le Telaprevir, permettaient d’accroître considérablement les taux de guérison, notamment chez des patients co-infectés VIH/VHC et en échec de bithérapie, ainsi que l’ont montré deux essais français menés par l’ANRS et présentés lors de la CROI 2013 (7). Il s’agissait en revanche d’une thérapie lourde qui pouvait s’accompagner de nombreux effets indésirables et dont l’efficacité se limitait au génotype 1 de l’hépatite C.
Une dizaine d’essais ont été présentés lors de la CROI 2014, avec une nouvelle génération de molécules encore plus efficaces et avec des effets indésirables bien moins importants. Parmi ces molécules, le Sofosbuvir présente des propriétés particulièrement remarquables. Son efficacité a été établie pour les génotypes 1, 2, 3 et 4 et un de ses points forts est qu’il comporte peu d’interactions avec les traitements anti-VIH. Par ailleurs, le Sofosbuvir, administré dans le cadre de bithérapies et donc associé à d’autres molécules, permet d’éviter l’utilisation de l’Interféron, jusqu’ici omniprésent dans les traitements du VHC, molécule que de nombreux patients ne peuvent tolérer en raison d’effets secondaires particulièrement lourds.
Une autre molécule, le Simeprevir, présente également des effets indésirables mineurs et des résultats souvent excellents chez les personnes co-infectées. D’énormes progrès ont aussi été réalisés quant à la durée du traitement, à savoir 12 à 24 semaines (contre 24 à 48 précédemment).
Si le Sofosbuvir et le Simeprevir ont récemment obtenu leur autorisation de mise sur le marché européen, il reste un point noir, et de taille: le coût du traitement, qui s’élève actuellement à 1200 euros par jour pour le Sofosbuvir… ! Une baisse des prix permettrait un accès plus large à ce traitement, afin que toutes les personnes touchées par le VHC puissent bénéficier de cette révolution thérapeutique.
Des ARV sous forme injectable
Concernant les traitements VIH, parmi les études en cours, des essais ont été lancés afin de développer des antirétroviraux à longue durée d’action qui pourraient être injectés tous les mois ou de façon trimestrielle. Deux ARV sont étudiés : la rilpivirine et un anti-rétroviral expérimental, le GSK-744. Une étude incluant 160 patients devrait être prochainement mise en place, afin d’évaluer la tolérance et l’efficacité de ces traitements.
Le GSK-744 est également en cours d’évaluation dans le cadre de traitements pré-exposition (PREP), c’est-à-dire des ARV pouvant être pris par les personnes séronégatives les plus exposées à l'infection à VIH, afin de réduire le risque de contracter le virus. Une injection mensuelle ou trimestrielle aurait pour avantage de résoudre le problème d’observance du traitement, qui consiste actuellement en une prise orale quotidienne (8). Des études ont été menées sur des singes macaques auxquels on a injecté le GSK-744. Si ces essais ont révélé un niveau de protection très élevé chez ces animaux (aucun des macaques ayant reçu le produit n’a été infecté au cours de l’étude), il reste à évaluer chez l’homme l’efficacité, la tolérance et les effets indésirables de ce traitement.
Aucun vaccin contre le VIH n’est envisagé dans un futur proche et il a été rappelé que pour faire face à l’épidémie, une approche globale est nécessaire et aucun outil ne doit être négligé : prévention, dépistage, traitement, counselling et PrEP, mais aussi prise en compte des facteurs socio-économiques.
M.Collet
(1) COREVIH : Coordination Régionale de la lutte contre le Virus de L'Immunodéficience Humaine.
(2) Charge virale indétectable: c’est-à-dire lorsque le taux de particules virales circulant dans le sang est tellement bas qu’il devient indétectable. Une charge virale indétectable ne signifie pas l’absence du virus mais que la quantité de VIH a atteint un niveau inférieur au seuil de détection par les tests. Des études ont montré qu’une charge virale indétectable limitait considérablement les risques de transmission du virus.
(3) En 2011 une étude similaire avait été menée, l’essai HPTN 052, mais elle concernait uniquement des couples hétérosexuels.
(4) Si certains partenaires séronégatifs ont été infectés par le VIH durant l’étude, aucune de ces contaminations n’était liée au partenaire stable, toutes se sont produites hors couple.
(5) Rapport 2013 sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH, sous la direction du professeur Philippe Morlat et sous l’égide du CNS et de l’ANRS. La Documentation Française. Paris, 2013.
(6) Le Rapport Morlat préconise d’accroître le dépistage sachant que la majorité des transmissions sont liées à la méconnaissance du statut sérologique positif. Dépister une infection à VIH permet en outre de mettre en place précocement un traitement ARV pour un bénéfice à la fois individuel et collectif : efficaces pour la personne traitée, les traitements permettent également, en contrôlant le virus, de diminuer considérablement les risques de transmission du VIH.
(7) Essais ANRS HC26 Telaprevih et ANRS HC27 Boceprevih.
(8) Le Traitement utilisé dans le cadre de la prophylaxie pré-exposition est le Truvada, composé de deux molécules, l’Entricitabine et le Ténofovir.