Une étude datant de 2012 avait estimé à près de la moitié (45%) la proportion de patients non retenus dans les soins entre le diagnostic du
VIH
et l’initiation du traitement ARV.
Le problème de continuité entre diagnostic VIH et entrée dans les soins se pose pour tous les types de dépistage. Cependant, l’ampleur de ce phénomène semble dépendre partiellement du contexte dans lequel le dépistage a lieu. Dans une revue de la littérature concernant le dépistage à l’initiative du soignant en milieu hospitalier, la plupart des études commentées documentaient une proportion d’entrée dans les soins de moins de 50%. En comparaison, dans une méta-analyse compilant les résultats d’études sur le dépistage hors des structures de santé les auteurs ont calculé à partir de 17 études un pourcentage combiné de 80% des participants recevant les résultats d’une mesure de CD4 suite à un diagnostic VIH, critère retenu de liaison avec les soins. À partir de 9 études, la même méta-analyse arrivait à un niveau global de liaison entre diagnostic VIH au cours d’un dépistage communautaire et initiation du traitement ARV de 73%. Ainsi, en plus de présenter de meilleurs taux d’acceptation par rapport au dépistage en milieu médical (cf article 1/3), le dépistage communautaire permettrait également une meilleure liaison entre diagnostic et soins. Ces résultats soulignent la nécessité d’interventions pour améliorer cette liaison, en particulier en ce qui concerne le dépistage en milieu hospitalier pour lequel la proportion de patients diagnostiqués tardivement (et donc en besoin de traitement) est plus importante.
Peu d’interventions innovantes permettant d’augmenter la liaison entre diagnostic VIH et entrée dans les soins ont fait l'objet d'évaluation. Parmi celles qui favorisent cette liaison, un essai randomisé conduit en Afrique du Sud a montré que la mesure des CD4 le jour même du diagnostic VIH permettait de doubler la probabilité pour un patient de rester dans les soins ; mais même chez les patients ayant reçu l’intervention, le taux de maintien dans les soins demeurait faible (environ 50%). Des résultats très prometteurs ont récemment été présentés, ils concernaient une intervention testée au Malawi et reposant sur un auto-test et une évaluation de l’éligibilité au traitement ARV effectuée à domicile, le traitement étant initié le jour même pour les personnes éligibles. Pour cette intervention évaluée en essai contrôlé randomisé en population, le taux d’initiation du traitement dans le bras intervention était presque trois fois plus important que celui observé dans le bras contrôle (évaluation d’éligibilité et initiation du traitement en milieu hospitalier). Cette étude permet d’illustrer les résultats intéressants qui peuvent découler d’idées novatrices consistant à amener les soins au plus près des patients.
L’acceptation du traitement précoce
Dans un contexte où les recommandations internationales préconisent un traitement initié de plus en plus précocement, il est hasardeux de prévoir le niveau d'acceptation, chez des personnes ne présentant pas ou peu de symptômes d'un traitement, généralement perçu comme lourd. Une étude conduite en 2009 à Soweto (Afrique du Sud) a ainsi montré qu’un patient sur cinq éligible au traitement ARV selon les recommandations du moment (CD4<200/mm3 ou stade OMS clinique 4) refusait d’initier un traitement ARV. La raison la plus souvent évoquée par ces patients étaient qu’ils se percevaient en bonne santé. Des résultats plus récents obtenus au Kenya ont montré que, parmi des couples sérodifférents (un partenaire
séropositif
, l'autre séronégatif), 40% des partenaires infectés ne se disaient pas intéressés par une initiation précoce du traitement ARV (proposé à titre hypothétique) dans le but de protéger leur partenaire. Des données qualitatives collectées parmi les mêmes couples ont ensuite permis d’éclairer ces réserves quant à un traitement ARV précoce : elles ont montré que le traitement ARV était encore souvent associé dans les esprits au stade
SIDA
, et plus généralement à une dernière étape avant une mort prochaine. Si cette perception négative du traitement ARV était fréquente parmi ces couples sérodifférents, la même étude montrait néanmoins que la quasi-totalité des partenaires non-infectés étaient en faveur d’une initiation précoce du traitement par leur partenaire. Encore plus récemment, une étude qualitative conduite au Botswana chez des personnes diagnostiquées précocement (>350CD4/mm3 a montré que les connaissances de base concernant l’effet préventif du traitement ARV étaient très limitées, mais qu’une fois qu’une information et sensibilisation au concept était proposé, les personnes interrogées estimaient que la prévention de la transmission du VIH à leur partenaire pouvait les motiver à commencer un traitement précoce.
Ces différents résultats mettent en lumière des barrières potentielles à un recours de plus en plus précoce au traitement ARV. Ils soulignent également la nécessité de campagnes de promotion du traitement, visant à modifier l'image qui lui est associée, en mettant en avant autant les bénéfices sur la santé de la personne infectée que ses bénéfices préventifs. La mobilisation des partenaires séronégatifs pourrait en outre améliorer l’impact de telles campagnes.
Reste que l’initiation du traitement ARV n’est que la première étape dans le parcours thérapeutique d’une personne infectée par le VIH. En effet, les bénéfices du traitement ne perdurent sur le long terme que si la prise du traitement est régulière, ce qui implique à la fois une bonne
observance
du patient traité, elle-même dépendante du maintien du patient dans les soins et d’une organisation robuste du système de santé.