Prévention en direction des HSH: SexoSafe.fr en 5 points

Des hommes qui s’enlacent, un message simple qui parle de prévention diversifiée pour le VIH et les IST, la campagne de Santé publique France pour le ministère de la santé et des affaires sociales se découvre un peu partout en France et sur internet depuis quelques jours. Malgré des visuels très « soft », elle s’est pourtant attiré les foudres des conservateurs et des catholiques traditionnalistes. Explications et réactions.

Sexosafe.fr

1 – La campagne s’adresse spécifiquement aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH)

Pourquoi une campagne ciblée ? Contrairement à ceux que certaines personnes ont pu vouloir croire, il ne s’agit de stigmatiser mais de faire face à la réalité. Ceux qu’on appelle les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  sont aujourd’hui l’un des deux groupes les plus exposés face au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. (voir les chiffres 2015 du VIH/sida). Ils représentent à eux seuls entre 40% et 50% des nouvelles découvertes de séropositivité et c’est l’un des seuls groupes dans lequel l’incidence (le nombre de personnes qui sont infectées chaque année) ne diminue pas. En chiffre, c’est au moins 3600 HSH qui deviennent séropositifSéropositif Se dit d’un sujet dont le sérum contient des anticorps spécifiques dirigés contre un agent infectieux (toxo-plasme, rubéole, CMV, VIH, VHB, VHC). Terme employé, en langage courant, pour désigner une personne vivant avec le VIH. tous les ans en France. A Paris, les chiffres de Prevagay indiquait qu’au moins 17% des HSH vivaient avec le VIH. Cette prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. entraîne un sur-risque énorme pour les HSH, qui ont 200 fois plus de risque qu’un homme hétérosexuel de se faire contaminer. Toutes les personnes impliquées dans la réponse face au VIH sont unanimes: faire reculer le VIH en France, c’est faire baisser la prévalence chez les HSH.

Notons d’ailleurs que nous parlons depuis le début d’hommes ayant des rapports sexuels entre hommes et non simplement d’homosexuels ou de gay: la notion d’HSH englobe ces populations, mais aussi tous les hommes qui ne se définissent pas comme gay mais qui ont des rapports, plus ou moins régulièrement avec d’autres hommes. Lucile Bluzat, de l’unité santé sexuelle de Santé publique france, qui a travaillé sur la campagne confirme que c’était une volonté de l’équipe : «Sur les affiches, on parle de sexe entre homme, ça nous a semblé être le dénominateur commun le plus large. Notre précédent support s’appellait «Prends-moi! Le magazine des sexualité gaies» et il nous avait été reproché d’être trop étiquetté gay. Avec cette notion de HSH, on espère attendre aussi les bi et les hétéros qui ont parfois des rapports homosexuels.»

2- Cette campagne est diffusée nationalement et auprès du public général

Vous avez peut-être vu une des affiches de la campagne sur un abribus, ça a pourtant failli ne pas être le cas. En effet, le site Yagg en avait parlé, le ministère de la Santé avait demandé une modification de la campagne après avoir pris connaissance des visuels destinés aux gays et aux Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Certains membre du cabinet auraient souhaité que leur diffusion soit restreinte aux réseaux et aux médias LGBT. Après une réaction énergique et inquiète des associations de lutte contre le VIH, la ministre Marisol Tourraine a finalement tranché en faveur d’une diffusion plus large, comme le recommandait Santé Publique France. Huit mille espaces ont ainsi été placardés.

La France est souvent mal à l’aise avec la communication en direction d’une minorité spécifique. C’est d’ailleurs la première campagne nationale s’adressant exclusivement à un public d’HSH en France. Lucile Bluzat précise néanmoins que «dans nos dernières campagnes, y compris celle de l’année dernière autour du dépistage, on mettait en scène plusieurs couples et l’un d’eux était un couple gay.»

3- La campagne parle de tous les moyens de prévention à disposition en 2016

Comme le dit sexosafe.fr dans sa présentation, il s’agit d’un «site qui présente tous les modes de protection contre le VIH et les ISTIST Infections sexuellement transmissibles.  pour les hommes qui aiment les hommes»:

«Les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes sont les plus touchés par le VIH et les autres IST. Si le VIH ne se guérit toujours pas, la mise en place de traitements efficaces a permis aux séropositifs de mieux vivre, et de limiter les risques de transmission du virus. Aujourd’hui de nombreux outils de prévention, adaptés aux besoins et situations de chacun, sont disponibles : préservatifs, dépistages, PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. TasPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). TPETPE Traitement (ou prophylaxie) post-exposition. Consiste à prescrire à une personne exposée à l'infection par le VIH, lors d’un accident d’exposition professionnel ou sexuel, une multithérapie d'antirétroviraux, de préférence dans les 4h qui suivent l'accident.  »

Si le préservatif reste incontournable, la prévention biomédicale, encore très mal connue, est très efficace et va changer les comportements et les attitudes : La Prep a une efficacité d’au moins 86%, le Tasp permet à une personne vivant avec le VIH de ne pas transmettre le virus si sa charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. est contrôlée.

4 – Certains maires ne veulent pas voir cette campagne dans leur ville

Certains maires ne veulent pas de cette campagne de prévention en direction des HSH et en appellent à la «protection de l’enfance» face aux images d’hommes amoureux —une stratégie aussi éculée que l’épidémie elle-même. Ainsi, le maire (LR) d’Aulnay (Seine-Saint-Denis), Bruno Beschizza a décidé de prendre un arrêté pour interdire ces affiches qui seront recouverte d’un bandeau jaune déclarant: «Protégeons nos enfants. Affiches interdites sur le territoire de la commune d’Aulnay-sous-Bois, en vertu de l’arrêté du Maire n°2016-403 pour la protection de l’enfance.»

Christophe Béchu, le maire (LR) d’Anger a demandé de son côté à JCDecaux de retirer ses affiches. Elles ont été enlevées dès lundi 21 novembre. Dans son courrier à la société, l’édile déclarait: «Volontairement choquante, cette campagne d’affichage est diffusée à proximité des écoles, au niveau des abribus en délivrant ainsi un message que les jeunes enfants sont incapables de comprendre.» 

Le député socialiste de Seine Saint Denis formule ce qui se cache derrière cette réaction : L’homophobie.

Une dizaine de ville aurait ainsi engagé des demarches auprès de Decaux pour faire retirer les visuels (La société est dans l’obligation de le faire, tant que demande écrite est faite). Outre l’homophobie notoire, ces oppositions posent un vrai problème de santé publique. Visiblement, leur soucis des enfants ne concernent pas les jeunes homosexuels et HSH, qui sont particulièrement exposés face au VIH: En France, depuis 2003, le nombre de découvertes de séropositivité VIH a plus que doublé chez les jeunes HSH de 15 à 24 ans.

André Lagniel, maire d’Issoudun (Centre) et premier vice-président de l’Association des maires de France, a dénoncé ces interdictions et regretté «que les dernières victoires des conservateurs en France et à l’étranger autorisent certains à donner libre cours à leur indécence»La légalité de ces arrêtés étant contestable, la ministre de la Santé a annoncé avoir saisi la justice.

En réactions à ces demandes de retrait, plusieurs maires, dont celle de Paris Anne Hidalgo, ont demandé à Santé Publique France les affiches pour prolonger la campagne auprès de la population générale.

5 – La campagne a été attaquée par des militants de la Manif pour tous

La première attaque est venu des militants catholiques traditionalistes de la Manif pour tous. Jeudi soir vers minuit, Louis Ronssin, a posté une photo sur son compte Twitter montrant une personne en train de masquer à la peinture les messages de prévention sur un dispositif Decaux.

Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme a annoncé à BFMTV.com avoir adressé un signalement au procureur de la République après la dégradation volontaire d’une affiche pour une campagne de santé publique.

A Châlons-en-Champagne, ce sont une vingtaine d’affiches d’une campagne contre le VIH ont été vandalisées, selon le journal L’Union qui présentent «5 raisons d’avoir honte après le vandalisme des affiches contre le VIH à Châlons».

L’équipe de Santé publique france prends ces attaques avec philosophie: «Les dégradations de mobiliers urbain, ça arrive très souvent. De plus, en travaillant sur les sexualités, nous savons qu’il y a toujours une possibilité que le contenu soit mal interprêté ou provoque des réactions.»

Des responsables politiques ont rapidement tweeté leur soutien à la campagne de Santé publique France. Marisol Tourraine, Ministre de la santé et des affaires sociales :

Laurence Rossignol, Ministre de la famille, de l’enfance et du droit des femmes :

Bernard Jomier, adjoint chargé de la santé à la Mairie de Paris :

Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris en charge du logement :

Le site Buzzfeed a aussi remarqué que, face aux dégradations homophobes, beaucoup d’internautes avaient préférés répondre, en tweetant des baisers de couples de même sexe. «Globalement, confie Lucile Bluzat, les retours sont très bons. Les gens apprécient les photos, ils les partagent, se les approprient. Je suis très contente de ces visuels, que je trouve très beaux. C’était important pour nous de présenter de belles photos d’hommes qui se touchent, avec de la tendresse.» Le volet affichage public de la campagne doit prendre fin comme prévu le 23 novembre. SexoSafe continuera sa vie sur le web.

http://sexosafe.fr/

https://www.facebook.com/sexosafe.fr/
https://twitter.com/sexosafe_SPF

Télécharger