Nouveaux cas de contamination par une souche multirésistante sous Prep

Le 18 Octobre 2016, à Chicago, le docteur Howard Grossman a partagé des données concernant une transmission du VIH chez un patient sous prophylaxie pré-exposition (Prep) et ce, malgré un bon niveau d’adhérence au traitement préventif. Quelques jours plus tard à Glasgow, le Pr. Jean-Michel Molina a, à son tour, présenté deux cas de contaminations malgré la prise de Prep. Des cas complexes, mais qui ne remettent pas en question l’efficacité de la Prep. 

L’homme dont le cas a été présenté à Chigaco, dans le cadre de la Conférence sur la recherche sur le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. pour la prévention (HIV Research for Prevention), a été infecté par un virus multirésistant, résistant à la plupart des inhibiteurs de la reverse transcriptase (aux inhibiteurs nucléosidiques (comme le Truvada) et à certains inhibiteurs non nucléosidiques). Il semblerait que nous soyons face aux mêmes condition d’échec de la prévention de la transmission que dans le cas présenté à la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2016, décrit dans notre article : Un cas de contamination sous Prep et ce qu’il nous apprend.

Dans ce nouveau cas, l’homme était sous PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. depuis décembre 2015 et sa séropositivité au VIH a été révélée lors d’une visite de suivi par un test ELISA positif de quatrième génération. Cette précision est important parce que seule une partie du test VIH était positif – la partie qualitative du test, le test d’amplification des acides nucléiques. En revanche, il n’y avait pas de trace d’antigène ou d’anticorps et la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. était inexistante. Les analyses des taches de sang séché et des cheveux, comme pendant l’essai iPrEx, ont confirmé de bons niveaux d’adhésion au schéma continu de Prep chez cette personne.

Concernant les circonstances de la transmission, l’homme est en couple avec un partenaire séropositifSéropositif Se dit d’un sujet dont le sérum contient des anticorps spécifiques dirigés contre un agent infectieux (toxo-plasme, rubéole, CMV, VIH, VHB, VHC). Terme employé, en langage courant, pour désigner une personne vivant avec le VIH. avec une charge indétectable depuis 2012. Leurs relations sexuelles étaient protégées également par préservatif quand la personne avait un rapport anal passif. En revanche, le couple a confirmé avoir eu des relations sexuelles avec deux autres personnes, et les deux fois la personne sous PrEP ayant acquis le VIH était le pénétrant, sans utiliser de préservatif. Comme le virus transmis est différent de celui du partenaire séropositif (comme les analyses phylogénétiques l’ont montré), ce cas de contamination est le premier cas documenté où c’est le partenaire insertif a été contaminé.

Chez celui qui est désormais un patient, les médecins ont continué le Truvada® le temps de réaliser les tests nécessaires, avant de compléter avec le dolutégravirDolutégravir Le dolutégravir, nom de marque de Tivicay® et présent dans Juluca® et Triumeq®, appartient à la une classe de médicaments antirétroviraux appelés inhibiteurs de l'intégrase. Il est utilisé en combinaison avec d'autres médicaments anti-VIH. (inhibiteur d’intégrase), puis le darunavir (inhibiteur de protéase) boosté par le cobicistat. Curieusement, le Truvada® a été conservé dans un schéma thérapeutique assez lourd, malgré les résistances, en fonction des résultats de certaines études qui semblent montrer que la combinaison de traitement reste plus efficace quand elle contient des analogues de nucléosides.

Deux cas en France sous la RTURTU Recommandation temporaire d’utilisation. L’ANSM peut encadrer des prescriptions non conformes à l’autorisation de mise sur le marché (AMM), sous réserve : qu'il existe un besoin thérapeutique non couvert et que le rapport bénéfice/risque du médicament soit présumé favorable, notamment à partir de données scientifiques publiées d’efficacité et de tolérance. Les RTU ont une durée maximale de 3 ans renouvelable.

Lors de la conférence d’HIV Glasgow Drug Therapy, qui se tenait du 23 au 26 octobre, le Pr. J.-M. Molina a présenté à l’oral deux autres cas français de transmission, dont on sait pour l’instant un peu moins de choses. Ceux-ci ont eu lieux dans le cadre du programme français de recommandation temporaire de traitement (RTU) du Truvada® pour la Prep, qui comprends désormais 1898 personnes, suivies par 315 médecins:

– Patient 1 : Son résultat au test VIH sérologique (ELISA 4ème génération) était négatif au commencement de la Prep. Lors de la visite suivante un mois plus tard, cette personne présentait un tableau clinique de séroconversionSéroconversion Période d'apparition, dans le sang, d'anticorps spécifiques en réponse au virus. La PCRPCR "Polymerase Chain Reaction" en anglais ou réaction en chaîne par polymérase en français. Il s'agit d'une méthode de biologie moléculaire d'amplification d'ADN in vitro (concentration et amplification génique par réaction de polymérisation en chaîne), utilisée dans les tests de dépistage. VIH a rétrospectivement été trouvé positive sur le prélèvement initial.

– Patient 2 : Il était négatif au test sérologique fait à l’inclusion dans le programme de Prep (ELISA 4ème génération). Un mois plus tard, il présentait un tableau de primo-infectionPrimo-infection Premier contact d’un agent infectieux avec un organisme vivant. La primo-infection est un moment clé du diagnostic et de la prévention car les charges virales VIH observées durant cette période sont extrêmement élevées. C’est une période où la personne infectée par le VIH est très contaminante. Historiquement il a été démontré que ce qui a contribué, dans les années 80, à l’épidémie VIH dans certaines grandes villes américaines comme San Francisco, c’est non seulement les pratiques à risques mais aussi le fait que de nombreuses personnes se trouvaient au même moment au stade de primo-infection. VIH lors de la visite avec ARN VIH à 500 cp/ml et présence d’une mutation M184I signant une résistance à l’emtricitabine (FTC) inclus dans le Truvada. Il appartiendra de déterminer si cette mutation est apparue comme une conséquence de la prise initiale de Prep ou plutôt s’il s’agit de la transmission d’une souche résistante à l’un des deux composants du truvada.

L’efficacité de la Prep reste inégalée

Le docteur Howard Grossman est en tout cas très rassurant sur la Prep et a déclaré que si peu de cas sur peut-être 100.000 personnes sous Prep au Etats-Unis était un taux d’échec très faible. La Prep reste l’outil le plus efficace dans la prévention du VIH que nous ayons eu, et même si les publications scientifiques ont toujours démontré que son efficacité n’était pas de 100 %.

Mais ces cas de transmission interrogent la communauté médicale sur ce qu’on pourrait améliorer dans le protocole de Prep: Les médecins, pour effectuer correctement le suivi d’une personne sous Prep, doivent avoir accès aux tests nécessaires pour identifier les résistances possibles. De même, une personne séropositive dont la charge virale n’est pas indétectable, il ou elle doit pouvoir effectuer des tests de résistance afin de déterminer si des mutations existent qui remettent en cause l’efficacité de la Prep chez ses partenaires.

Le cas de Chicago souligne enfin que dans le cas des partenaires occasionnels, dont la sérologieSérologie Étude des sérums pour déterminer la présence d’anticorps dirigés contre des antigènes. est inconnue, dont la charge virale peut ne pas être contrôlée, ou qui peuvent avoir un virus résistant, il existe bien un risque plus important de transmission du VIH pour la personne qui suit une Prep.