«Treatment Evolution: New Drugs, New Reality»: Evolution des traitements : nouveaux produits, nouvelles réalités

La session de communications orales libres du 21 juillet à la conférence de Durban 2016 était consacrée aux nouvelles molécules et à leur efficacité. 

Qui a le plus bénéficié du traitement dans l’essai START ? Une analyse de sous-groupes

Who benefited most from immediate treatment in START? A subgroup analysis Jean Michel Molina, for the INSIGHT START Study Group, France

L’essai international multicentrique START, qui randomisait traitement ARV immédiat versus traitement différé en fonction des recommandations du pays de résidence du patient, a montré un bénéfice clinique net en faveur du traitement précoce, indépendamment du niveau de CD4. Le but de l’analyse en sous-groupes est de connaitre les personnes les plus à même de bénéficier de cette stratégie, afin de mieux orienter les politiques publiques. START a recruté 4 685 patients à travers le monde, avec des CD4 médian de 651/mm3. 42 patients dans le groupe immédiat et 96 dans le groupe différé ont atteint le critère principal (SIDA, décès, évènements cliniques sévères), avec une réduction de risque de 67% ; globalement, le nombre de personnes à traiter (NPT) pour éviter un évènement pour 100 patients/années est de 128. Que l’on analyse par l’âge, le sexe, la race ou la région, l’effet se retrouve dans tous les groupes.  Dans les analyses en sous-groupes, les patients de plus de 50 ans bénéficient particulièrement de l’intervention (NPT = 45), de même en cas de rapport CD4/CD8 < 0,5 (NPT=60), de charge virale  > 50 000 cop/mL (NPT = 67), ou de score de Framingham > 10 (NPT = 69). L’analyse multivariée est en cours, elle permettra notamment de savoir si le niveau élevé de CD8 (expliquant le rapport CD4/CD8 bas), l’âge et le score de Framingham, chacun étant un marqueur de senescence, ne sont pas intrinsèquement liés.

Risque majoré de comportements suicidaires (CS) en lien avec l’utilisation d’efavirenz (EFV) dans l’étude START

Increased risk of suicidal behaviour with use of efavirenz: results from the START trial. Alejandro Arenas-Pinto, for the INSIGHT START Study Group United Kingdom

On ne reprend pas les caractéristiques de l’étude START décrites ci-dessus. Pour mémoire, le traitement ARV était choisi par le clinicien en amont de la randomisation ; seule l’introduction immédiate/différée était randomisée, pas le type de molécules utilisées, qui variait beaucoup d’un pays à l’autre, avec notamment une sur-utilisation de l’EFV dans les pays à ressources limitées par rapport aux pays plus riches. Les groupes traitement immédiat et retardé ont été comparés quant au comportements suicidaires parmi tous les participants, de même que les groupes avec et sans EFVEFV L'éfavirenz (EFV) est un médicament antirétroviral, analogue non nucléosidique inhibiteur de la transcriptase inverse (nNRTI), utilisé pour le traitement de l'infection par le VIH. Cette molécule est commercialisée sous le nom de Sustiva ou Stocrin et est disponible sous forme de comprimés ou de capsules. Ceux ayant des ATCD psychiatriques sont plus à risque de CS, mais ils ont moins souvent été mis sous EFV. En analyse en ITT, 18/3516 patients préspécifiés « EFV » et 9/1169  « autre ARV » ont présenté un CS, ce qui n’est pas statistiquement différent. ; en regardant seulement un an après la randomisation, les chiffres sont de 9/3516 et 7/1169, sans différence significative non plus. En censurant une partie des données, on arrive à trouver un p=0,05, ce qui fait conclure aux auteurs que le risque de comportement suicidaire est supérieur avec l’EFV (NDR : alors qu’il n’y a que 3 évènements tentatives de suicides réels pour près de 5000 patients ! Et comme on sait que l’on ne trouve que ce que l’on cherche…). Chez les patients mis sous EFV, le risque de comportement suicidaire est multiplié par 12 chez ceux qui ont des ATCD psychiatriques et par 6 en cas de consommation abusive d’alcool. NDR : l’étude valide donc en partie qu’il vaut mieux ne pas utiliser l’EFV chez les patients ayant des ATCD psychiatriques, mais n’est pas très convaincant sur le risque de suicide…

Etude STRIIVING : relayer un traitement à base d’IP, d’INNTI ou II par un mono comprimé d’abacavir/dolutegravir/lamivudine permet de maintenir la suppression virale

STRIIVING: switching to abacavir/dolutegravir/lamivudine fixed dose combination (ABC/DTG/3TC FDC) from a PI, INIINI Les inhibiteurs de l’intégrase, ou anti-intégrases sont l'une des dernières classes d’antirétroviraux. Ils agissent en empêchant le VIH d’intégrer son message génétique dans celui de la cellule cible. Ces médicaments ont un profil de résistances différent des autres molécules, ce qui les rend intéressants en cas de multi-résistances face aux autres traitements. or NNRTINNRTI Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI en Français ou «non-nucleoside reverse transcriptase inhibitors», NNRTI, en anglais) ont un effet inhibiteur direct sur la transcriptase inverse (TI) du VIH-1 en formant une liaison réversible et non compétitive avec l'enzyme. La nevirapine, la delavirdine et l'efavirenz sont des NNRTI. based regimen maintains HIV suppression at week 48. J.E. Lake, United Kingdom

STRIIVING est une étude ouverte et randomisée menée aux USA, Canada et porto Rico, comparant poursuite du traitement antérieur de 1ère ou 2nde ligne et changement pour une combinaison ABC/DTG/3TC. Tous les patients étaient passés sous ABC/DTG/3TC après les 24 premières semaines. 230 patients dans chaque bras sont allés jusqu’à S48 (84% des patients du bras ABC/DTG/3TC immédiat et 94% du bras changement différé). A S24 les taux d’efficacité sont de 85% (bras DTG) et 88% (bras contrôle), et à S48 83% (bras DTG) et 92% (bras contrôle, qui reçoit alors la combinaison à base de DTG depuis 24 semaines). Il n’y a pas eu d’échec virologique défini selon les critères du protocole (CV> 400 cop/mL), mais 7 patients ont eu une CV > 50 cop/mL sur l’ensemble de l’étude. La tolérance est globalement bonne, avec très peu d’arrêts liés à une intolérance ; de façon étonnante elle est meilleure chez les patients dont le bras changement différé (meilleure confiance dans le produit, qui commençait à être mieux connu après S24, notamment de la part des soignants ?)

Une étude de qualité de vie au cours de l’utilisation des traitements à longue durée d’action chez les patients inclus dans l’étude LATTE-2 (Cabotegravir-LA et Rilpivirine-LA)

Experiences with long-acting injectable ART: a qualitative study among people living with HIV participating in a phase II study of cabotegravir + rilpivirine (LATTE-2) in the United States and Spain D. Kerrigan, United States

L’étude LATTE-2 compare plusieurs régimes de traitements à libération par voie IM (cf. dernière présentation de cette session) avec des fréquences d’injection différentes (résultats virologiques plus loin dans la chronique). La qualité de vie a été estimée par entretiens semi-directifs chez 11 patients aux USA et 16 en Espagne, ainsi que quelques soignants. Il s’agit essentiellement d’hommes MSM allant vers la quarantaine … La plupart des patients rapportent des effets secondaires modérés au site d’injection, et surtout que le rapport bénéfice/effet secondaire est très en faveur du traitement injectable. Il ressort surtout des avantages en terme pratique, de meilleure confidentialité, et d’effet psychosocial bénéfique, la prise du traitement par voie orale étant un rappel quotidien du statut de séropositifSéropositif Se dit d’un sujet dont le sérum contient des anticorps spécifiques dirigés contre un agent infectieux (toxo-plasme, rubéole, CMV, VIH, VHB, VHC). Terme employé, en langage courant, pour désigner une personne vivant avec le VIH. . Le traitement injectable, chez des patients qui ont souvent un long passé de traitement par voie orale, donne l’impression d’une pression moindre, une chose de moins à se soucier dans la vie quand on a juste une injection à faire tous les mois ou un mois sur deux, de disposer d’une plus grande liberté. Coté soignants, la crainte est que les patients ne reviennent pas régulièrement faire leurs injections, ou un effet secondaire prolongé… Les patients sont assez partant pour une démédicalisation des injections pour le long terme. (NDR : il faut tout de même mentionner que le profil des patients participants à l’étude LATTE-2 est l’inverse de celui des patients pour lesquels on souhaiterait bénéficier rapidement de ces traitements à longue durée d’action : personnes incapables de prendre un traitement quotidien, troubles psychiatriques, auto-stigmatisation majeure etc…).

Efficacité supérieure de la combinaison fixe DTG/ABC/3TC comparée à la trithérapie ATV/r-TDF/FTC chez les femmes naïves de traitement ARV (ARIA)

Superior efficacy of dolutegravir/abacavir/lamivudine (DTG/ABC/3TC) fixed dose combination (FDC) compared with ritonavir (RTV) boosted atazanavir (ATV) plus tenofovir disoproxil fumarate/emtricitabine (TDF/FTC) in treatment-naïve women with HIV-1 infection (ARIA Study). C. Orrell,  South Africa

ARIA est une étude multicentrique internationale ouverte randomisée comparant les associations DTG/ABC/3TC (n=248) à ATV-r/TDF/FTC (n=247) chez des femmes naïves de traitement antirétroviral (HLA B5701 et AgHBs négatives) Il y a 2% d’échecs virologiques dans le groupe DTG et 6% dans le groupe ATV. Quelle que soit la strate de CD4 (<350 ou >  350)  ou de charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. (>100 000 ou < 100 000 cop/mL), la différence de réponse est de l’ordre de 10% en faveur du bras DTG. A noter, qu’il n’y a qu’un seul cas d’émergence de résistance, M184V uniquement, chez une femme du groupe ATV-r. Les effets secondaires ne sont pas différents dans les deux bras,  mais plus souvent considérés comme liés aux molécules dans le bras ATV-r. Les évènements psychiatriques ne sont pas différents dans les deux groupes. Il y a moins d’arrêt lié au traitement dans le groupe DTG. Il n’y a pas de différence d’observance entre les deux bras (données non présentées mais apportées dans la discussion). On peut donc dire en pratique que le régime DTG-ABC-3TC en monocoprimé est supérieur au régime ATV-r/TDF/FTC multicomprimé. Il semble y avoir une petite tendance supérieure en faveur du groupe DTG quand l’infection est plus sévère. NDR : l’étude se déroulant dans de multiples pays, il y a à la fois des afro-américains et des afro-africains… Pour distinguer les races dans l’analyse, on parle donc de « White » (blancs) « Asian » (asiatiques) et… « d’African Heritage »… en cette saison de « Black live matters », je me demande pourquoi les docteurs refusent d’écrire tout simplement « Black » (et pour les francophones, « Noirs » et pas « Blacks » pour faire politiquement correct comme on voit trop souvent).

Résultats à 48 semaines de l’essai LATTE-2 (Cabotegravir + rilpivirine LA)

Cabotegravir + rilpivirine as long-acting maintenance therapy: LATTE-2 week 48 results. D. Margolis, United States

La preuve d’efficacité par voie IM de la combinaison cabotegravir et rilpivirine à longue durée d’action après un traitement par voie orale a été publiée via l’essai LATTE-1; dans LATTE-2, les patients reçoivent des injections toutes les 4 (n=115) ou 8 semaines (n=115 patients) ou poursuivent le traitement par voie orale (n=56), après une période de 16 semaines de TTT par voie orale pour tous. Les résultats à 24 semaines avaient été présentés à la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2016, et sont ici présentés les résultats à 1 an. En terme d’effet antiviral, les trois bras sont non-différents, mais en pratique, il y a plus de charges virales > 50 cop/mL dans le groupe « bimestriel » (7% versus <1%)) et plus de données manquantes dans le groupe « mensuel » (8% versus <1%). Dans l’analyse en Snapshot les deux données sont traitées de façon équivalente, ce qui explique l’absence de différence entre les deux bras… alors qu’intrinsèquement il y a bien une différence. Une seule résistance virale émerge (M184V), dans le bras « bimestriel». La tolérance globale, hors site d’injection, est excellente. Plus de 80% des patients rapportent un effet secondaire à la première injection, et cela baisse dès la 2nde (de l’ordre de 40% par injection au delà de la 1ère injection). Plus de 95% des patients des groupes injectables affichent un très haut niveau de satisfaction à 48 semaines (NDR : ceux dans le groupe traitement oral sont beaucoup moins satisfaits, mais ils savent que l’alternative injectable existe, dans laquelle ils n’ont pas été randomisés !!). En pratique, le nombre d’effets secondaires n’étant pas supérieur et en l’absence d’émergence de résistance, c’est la posologie mensuelle qui sera évaluée dans les études de phase 3 (avec une modification de la dose initiale de rilpivirine, qui paraît un peu faible selon les études pharmacologiques). L’étude LATTE-2 avec des intervalles toutes les 8 semaines se poursuit tout de même, et permettra d’avoir des résultats à 96 semaines (NDR : pour les chroniques de  la CROI 2017 de Seattle ?).

Cet article a été publié sur le site du COREVIH Bretagne. Nous le reproduisons avec l’autorisation de l’auteur.