AFRAVIH 2016 — Lesbiennes et VIH en Afrique : la «triple peine» des FSF

Dans le cadre d’une session consacrée aux femmes face au VIH animée par Safiatou Thiam (CNLS, Dakar, Sénégal) et Veronica Noseda (Planning familial, Paris, France), Anne Susset (Plateforme Elsa, Paris, France) a abordé les vulnérabilités spécifiques des femmes ayant des rapports sexuels avec d’autres femmes (FSF) en Afrique.

L’intervention, préparée par Joséphine Mandeng, d’Alternatives Cameroun (Yaoundé, Cameroun), s’inscrit dans le cadre de l’action de l’association communautaire LGBT, avec pour but d’introduire les problématiques des FSF. Le but est de créer la mobilisation et de répondre à leurs besoins de santé spécifiques.

On parle parfois de «double peine» concernant les discriminations auxquelles font face les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. Pour les lesbiennes et les FSF, vivre avec le VIH, entre infection et stigmatisation, représente «une triple peine» : aux discriminations homophobes et aux difficultés de vivre avec le VIH s’ajoute les discriminations dont sont victimes les femmes, malgré certains progrès comme le Protocole de Maputo, qui garantit les droits des femmes dans le continent africain.

Le contexte reste ainsi largement lesbophobe en Afrique. En effet, des cas d’arrestation des lesbiennes au Cameroun, comme celles des femmes (Pascaline et Rosalie) d’Ambam et de Nfou (Cameroun), des cas de violence physique et de meurtre comme celles de Fannyann Eddy en 2004 en Sierra Leonne, ou Eudy Simelane en Afrique du Sud en 2008, n’ont pas été vus par la société comme les autres violences faites aux femmes, violences qu’il faut combattre, mais plutôt comme quelque chose que ces femmes ont mérité à cause de ce qu’elles sont. De manière globale, ces femmes ne bénéficient pas de ce dont les autres femmes pourraient bénéficier, ni ne bénéficient de ce dont les autres minorités sexuelles pourraient bénéficier.

Très peu d’études

Le très faible nombre d’études —une étude communautaire publiée en 2013 de la plateforme Elsa au Cameroun et en Côte d’ivoire et «Au-delà des suppositions», étude menée dans 4 pays francophones par Queer African Youth Network Centre, publiée en 2015— souligne le travail qu’il reste à accomplir. Nous ne disposons pas de données sur la prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. chez les FSF au Sud. A titre indicatif, l’association Alternatives Cameroun suit 350 gays vivant avec le VIH pour 12 lesbiennes et FSF.

Au delà des chiffres, les spécificités du contexte africain appellent à une meilleure connaissance des risques encourus par cette population : La quasi totalité des FSF suivies par l’association ont ou ont eu des relations avec les hommes, souvent à cause de la pression sociale. selon l’étude « Au-delà des suppositions », les lesbiennes et FSF sont relativement peu informées en matière de VIH et ISTIST Infections sexuellement transmissibles.  et en même temps ne sont pas très bien suivis médicalement: 68% de FSF au Benin, et 66% au Burkina et au Togo n’ont jamais eu de consultations gynécologiques.

Pour Joséphine Mandeng, il est urgent de mettre sur pied des programmes spécifiques pour ces femmes, incluant la protection contre la violence, le droit à l’information adéquate en matière de santé sexuelle et reproductive et l’inclusion des FSF dans les programmes ciblant les populations clés, en tant que population marginalisée.

Entre infection et stigmatisation, la double peine des FSF face au VIH en Afrique, Joséphine Mandeng, Alternatives Cameroun, Yaoundé, Cameroun.

La lettre de l’Infectiologue et Vih.org s’associent pour couvrir l’AFRAVIH 2016.