IAS 2015 : mercredi 22 juillet

Du 19 au 22 juillet 2015, une chronique à 4 mains écrite par les Drs Hélène Leroy (posters) et Cédric Arvieux (sessions orales), financée par le COREVIH-Bretagne et le programme de coopération internationale du CHU de Rennes.

Session plénière

Epidémie en Russie, Europe de l’Est et Asie centrale / Epidemic of HIV in Russia, Eastern Europe and Central Asia
M. Kazatchkine,  Secretary-General Special Envoy on HIV/AIDS in Eastern Europe and Central Asia, Switzerland

L’Europe de l’Est est la seule région du globe où l’épidémie de VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. est en pleine expansion. Comme nous allons le voir tout au long de la présentation de Michel Kazatchkine, ce sont essentiellement erreurs politiques et discrimination qui ont fait que l’on en soit arrivé là. En effet, l’épidémie de VIH est survenue dans cette région tardivement, alors que l’on avait tous les éléments de santé publique en main pour pouvoir la contrôler. Comme attendu, l’importante épidémie de VIH chez les usagers de drogues commence à se répandre dans la population générale. Dans cette vaste zone, 90% des nouvelles infections surviennent en Russie ou en Ukraine (avec une véritable explosion épidémique au cours des dernières années, cf. courbes dans le diaporama). On ne dispose pas de données épidémiologiques pour l’Ouzbékistan, mais c’est le plus peuplé des pays d’Asie centrale et il pourrait avoir une part importante dans les nouvelles infections également.

Même si cela ne rassemble pas encore beaucoup de cas, l’épidémie chez les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes (HSH) est en pleine expansion (+427% en 10 ans).

Il s’agit essentiellement d’une épidémie de « populations clés » : injecteurs de drogues (IVDU), leurs partenaires, migrants, HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  travailleuses du sexe, personnes incarcérées. Cette épidémie coexiste maintenant avec une épidémie chez les hétérosexuels, qui évolue en parallèle de façon indépendante.

Le travail du sexe, l’usage de drogue ou l’homosexualité sont illégaux dans la plupart des pays concernés, ce qui ne facilite pas l’accès à la prévention et au traitement : la couverture thérapeutique est faible est elle s’aggrave au fil du temps, le prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. augmentant plus vite que les mises sous traitement. La cascade du VIH montre que 12% des séropositifs russes seulement ont une CV indétectable (contre 65% en France, à titre de comparaison).

Il y a 3.5 millions d’injecteurs de drogue dans la région,  25% sont infectés par le VIH, 2/3 sont séropositifs pour le VHC, et la prévalence de l’ARN VHC est estimée à 45% ; la co-infection chez les VIH est de l’ordre de 70-90%. Le risque de tuberculose, notamment multirésistante, est très important, et lorsque l’on associe les facteurs de risque VIH et incarcération, le risque de contracter la tuberculose augmente d’un facteur 25 par rapport à la population générale.

Il existe un très haut niveau de stigmatisation, les systèmes de soins sont très verticaux (il faut aller dans trois endroits différents pour faire soigner son VIH, son VHC et sa tuberculose…), et l’accès au traitement est très faible ; les politiques de lutte contre la drogue sont essentiellement répressives. La méthadone est illégale en Russie… De très nombreux simples usagers sont incarcérés, et l’absence de substitution fait que le risque de partage de seringue augmente pendant l’incarcération, alors que 56% des IVDU continuent à s’injecter en prison.

Michel Kazatchkine souligne que la situation à sa connaissance l’exemple de santé publique où les politiques menées sont le plus à l’opposé de ce que montre les données scientifiques comme étant efficace!!

Les ONG font un travail fantastique mais les états leur mets souvent des bâtons dans les roues… Le Fonds Mondial est extrêmement embarrassé, les autorités ne souhaitant pas aller vers les populations vulnérables (seul 2% des financements vont vers les IVDU alors qu’ils représentent une immense majorité des personnes concernées en Russie, Azerbaïdjan, Arménie…). Théoriquement les pays devraient prendre le relais sur leur fonds propres, mais leur profonds mépris pour les populations concernées fait que cela ne se réalise pas, et que l’on va plutôt vers une maximalisation des politiques répressives.

Et les choses ne s’améliorent pas : 4 semaines après l’annexion de la Crimée, le programme de substitution par Méthadone Ukrainien a purement et simplement été supprimé…

Quelques espoirs : un programme majeur de réduction de risque en prison en Moldavie, le programme des ONG en Ukraine, un programme mobile pour les migrants en Arménie…

Michel Kazatchkine a souligné en fin d’intervention le courage et l’implication des quelques soignants impliqués et des activistes qui continuent à essayer de prendre en charge au mieux les populations vulnérables dans cette zone, malgré les lois pro ségrégation et les risques qu’ils encourent eux-mêmes du point de vue légal, voire de leur propre sécurité.

(NDR : concernant les soignants on sait qu’il y a un énorme travail à faire, les études montrant que ceux-ci adhérent majoritairement à la politique de leur pays et citent l’incarcération comme l’un des meilleurs moyens de lutte contre la toxicomanie).

Présentation en téléchargement ici

Faire entrer les vaccins contre le VIH en phase III / Advancing HIV Vaccines into Efficacy Studies
G. Gray, South African Medical Research Council, South Africa

La conception d’un vaccin rencontre plusieurs obstacles, dont les deux principaux sont scientifiques, la très haute variabilité du virus, et économique, le très faible financement de la recherche (le NIH américain soutient actuellement à lui seul 72% de la recherche vaccinale dans le monde, tout intervenants compris!

Le vaccin RV144 en Thaïlande (ALVAC-VIH vCP1521 AIDSVAC B/E rgp120 à base de canaripox, publié en 2009 téléchargeable ICI) a été le premier a montré une efficacité, mais avec un effet qui disparaît assez rapidement avec le temps. Le mécanisme de protection induit par le virus n’est pas complétement compris… Les anticoprs (Ac) non neutralisants semblent dans ce cas avoir une part importante dans la réponse vaccinale. L’effet a quasi complétement disparu à 12 mois, et il faut avoir une bonne réponse Ac V1V2 pour disposer d’une protection. Le vaccin pourrait avoir une efficacité meilleure avec les sérotypes C, du fait d’une caractéristique particulière de la boucle V2 de ce sérotype (présence d’une lysine en position 169 dans la boucle V2, qui semble induire une plus grande efficacité du vaccin vis-à-vis de ces souches). Par contre, dans cet essai, l’effet des Ac neutralisants paraît faible : même au pic de la fabrication d’Ac, aucun des sérum testés ne neutralise un panel de 20 virus contemporains isolés en Thaïlande…

Du fait de ces résultats, un essai a été construit pour essayer de potentialiser l’effet du vaccin ALVAC, en testant d’abord le vaccin Thaï en Afrique du Sud (ou le sous type C est le plus fréquent), en essayant de maximaliser la réponse Ac et en prévoyant un rappel à 12 mois. L’essai HVTN100 est en voie de finalisation, et plusieurs paramètres doivent être évalués avant de passer à un essai plus important (HVTN 702 qui prévoit de recruter 5 000 personnes en Afrique du Sud).
Une approche pan-génotypique peut également être envisagée, un programme 2017-2021 va débuter. Les essais chez les primates non humains sont prometteurs qui montrent que les singes produisant des Ac sont protégés contre l’infection lors des expositions aux virus (Barouch et al. Science 2015).

L’approche concernant l’utilisation des Ac neutralisants est très différente ; les données observationnelles (Rose et al. Nature, dans l’essai CAPRISA, pour les fans seulement, article de 42 pages !) montrent que cela pourrait fonctionner… une des difficultés est que les modèles du singe utilisent du virus libre alors que chez l’Homme on sait qu’il y a une transmission cellulaire, notamment dans la transmission sexuelle et par l’allaitement.

Présentation en téléchargement ici

La PrePPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. pièce manquante de la prévention combinée / Pre-Exposure Prophylaxis : The Missing Piece of Combination Prevention
F. Mesquita, Brazilian Ministry of Health, Brazil

La PrEP est déjà utilisée dans beaucoup de situations comme le paludisme (lariam®, malarone®…), l’INH dans la tuberculose, le cotrimoxazole pour la pneumocystose… ou même dans la contraception.

Le premier concept de PrEP dans le domaine du VIH est venu de l’essai ACTG076, ayant montré une réduction de transmission au bébé de 75% lorsque les femmes enceintes prenaient de l’AZT.

Les essais de PrEP ultérieurs ont été émaillés de succès et d’échecs (notamment l’étude VOICE en terme d’échecs), qui avait attiré pour la 1ère fois l’attention sur l’importance critique de l’observance dans le domaine de la PrEP. Dans iPrEX (TDF/FTC) l’observance est également un facteur clé, de même que le niveau de risque (NDR : en gros, on est protégé par la PrEP si on prend des risques et le traitement). Dans l’étude Partners-PreP, les résultats sont très bons avec 75% de protection, et 90% quand le niveau de TDF est détectable dans le sang… L’étude Ipergay essaie de répondre à cette question de l’observance en proposant une prévention « à la demande », avec 86% de réduction de risque. Une des questions de la PrEP est de savoir si dans la « vraie vie » il va y avoir une compensation de risque (c’est à dire que le fait de ce sentir protégé par la PrEP va augmenter la prise de risque, mais il est difficile de répondre à ces questions dans le cadre des essais cliniques d’efficacité (NDR : L’orateur s’est par contre un peu perdu dans l’étude IperGay, mettant en avant que l’étude montrait qu’il n’y avait pas de compensation de risque, alors que l’étude étant contre placébo, il est impossible de statuer sur cela… et le suivi communautaire dans Igergay était très rapproché, ce qui limite également probablement ce risque). Dans l’essai PROUD, les résultats sont aussi bons (86% de protection) avec une PrEP continue dans une population assez identique à celle de l’essai Ipergay. Là, on peut effectivement dire qu’il n’y a pas de compensation de risque sur le court terme puisque le modèle de l’étude était « PrEP immédiate versus PrEP différée » (et on voit que l’introduction de la PrEP ne s’accompagne pas d’une augmentation des prises de risques), mais il faudra attendre des études « dans la vraie vie » pour statuer définitivement sur ce sujet.

Des recommandations de l’OMS concernant la PrEP vont bientôt être disponibles, se basant sur le principe que toute population dont l’incidence est >3% devraient pouvoir en bénéficier. Seuls les USA, la Thaïlande et la Malaisie ont des recommandations nationales en termes de PrEP, mais sans prise en charge financière. En 2011 le prix du générique de TDF/FTC est de 116 $ par an dans les pays où il est le moins cher… mais peut atteindre 10 000$ par an dans certains pays (En France, 6010.56 € par an)!

En résumé, les questions qui se posent pour les politiques et le prescripteur : tous les jours ou à la demande ? Quelle doit être la population cible ? Quand arrêter ? Utiliser le TDF seul ou l’association FTC/TDF (il existe de plus en plus de données favorables à la bithérapies) ? Les coûts restent une question essentielle…

Session « stratégies pour assurer un suivi continu » / Communications orales originales

Les clubs communautaires d’observance améliorent le devenir des patients stables sous trithérapie : l’expérience du township de Gugulethu en Afrique du Sud / Community-based adherence clubs improve outcomes for stable antiretroviral therapy patients: findings from Gugulethu, South Africa
A. Grimsrud, Afrique du Sud

Le Township de Gugulethu regroupe 300 000 personnes à quelques km de la ville du Cap. La plupart des patients suivis vivent dans un rayon de 3 km. Les clubs d’observance (NDR dont j’ai déjà beaucoup parlé dans les chroniques antérieures) ont été initiés par MSF dans la région du Cap et sont en voie de généralisation. Pour faire partie du club, il faut être volontaire,  sous traitement depuis au moins un an, et avoir une infection stable (CV indétectable, pas d’état clinique nécessitant de fréquentes consultations).

Les patients se rencontrent en dehors du site de prise en charge, 5 fois par an (tous les deux mois, et 4 mois autour des vacances de Noël car il y a beaucoup de migrants qui repartent au moment de cette période d’été).

L’étude a concerné les patients accueillis dans les clubs entre juin 2012 et décembre 2013, pour connaître leur profil et les comparer aux autres patients suivis en dehors du club. Les patients suivis dans les clubs ont la possibilité de désigner un volontaire (NDR : « buddy », difficile de trouver la traduction appropriée…) qui vient chercher le traitement à sa place s’il ne peut pas venir à la réunion du club ; 2 113 patients ont participé à l’étude, 2/3 étaient des femmes.

Il y a 94% de poursuite de suivi (6% de perdus de vue à 1 an) et 98% de charges virales indétectables à un an parmi les patients du club, avec un petit désavantage pour les patients les plus jeunes (10% de perdus de vue chez les 16-24 ans à un an contre 5% chez les > 25 ans) ; il n’y a pas, par contre de différence entre les sexes. Il y a moins de perdus de vue que dans le suivi classique (mais les patients sont sélectionnés…). Il n’y a pas de différents résultats entre les patients venant eux mêmes et ceux qui envoi un volontaire pour venir chercher leur traitement, ce qui incite à penser que les patients pourraient venir encore moins souvent qu’ils ne le font actuellement.

Cette expérience très positive va être généralisée à l’ensemble des sites de prise en charge de la province de Cape Town (NDR : et doit nous faire réfléchir sur les rythmes de suivis que nous imposons à nos patients en France !!!

Présentation téléchargeable ici

Charge virale indétectable persistente chez les patients VIH+ traités au Pérou / Sustained viral suppression in persons living with HIV/AIDS receiving HAART in Peru
P. Caballero, Pérou

Le programme national péruvien a été initié en 2004, sur une base décentralisée, initialement financé par le fonds mondial, et avec un financement propre aujourd’hui. L’étude a porté sur les patients mis sous ARV entre 2004 et 2006 et suivis jusqu’en décembre 2012. La charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. pour définir la réponse est fixée au seuil de 400 cop/mL. Elle est basée sur l’analyse rétrospective des dossiers électroniques des patients, croisée aux données électroniques de laboratoire qui sont centralisées.

Pour les 6 289 patients qui ont participé au programme péruvien, 5 142 étaient évaluables : il y a  612 non répondeurs, 4 530 (88%) répondeurs initiaux. A 6 ans, 1 989 patients sont encore répondeurs (jamais plus d’une CV > 400 copies/mL).

Les facteurs de risque d’échec sont le fait d’être une femme (+18% d’échecs par rapport aux hommes), le jeune âge, le nadirNadir Chiffre indiquant la valeur minimale enregistrée de la charge virale ou des CD4. plus bas de CD4, le fait de disposer d’un faible nombre de mesures de la CV

Présentation téléchargeable ici

Entrée dans le soins après test à domicile au KwaZulu-Natal / Entry into care following universal home-based HIV testing in rural KwaZulu-Natal, South Africa: the ANRS TasPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). 12249 cluster-randomised trial
M. Plazy, France

L’étude a porté sur des sujets de plus de 16 ans, testés à domicile et adressés à la clinique « TasP » ou 11 clusters ont été randomisés en « test and treat » et 11 en traitement selon les recommandations. Cette étude s’intéresse simplement à la partie du lien entre le dépistage et le soin ; 1 218 patients ont pu être randomisés.

Moins de 40% des sujets testés à domicile consultent dans les trois mois sans différence entre hommes et femmes. Avoir un  haut niveau d’éducation, être étudiant, habiter  à plus d’un km du centre de prise en charge sont des facteurs de risque de consultation absente ou tardive; le fait de connaître une personne séropositive est un facteur associé au fait de venir consulter, de même que le fait de souhaiter un traitement antiviral en cas de séropositivité. Le fait d’avoir été antérieurement diagnostiqué et perdu de vue et un facteur favorisant la consultation.

Présentation téléchargeable ici

Evaluer la continuité du suivi en Amérique centrale et du Sud / Assessing the HIV care continuum in The Caribbean, Central and South America network for HIV epidemiology (CCASAnet): progress in clinical retention, cARTcART Combination antiretroviral therapy (cART) ou traitement antirétroviral combiné, en français. Le terme est utilisé quand il est important de préciser qu'il s'agit d'une multithérapie basée sur plusieurs antirétroviraux, et non d'une monothérapie. use, and viral suppression
P.F. Rebeiro

Dans cette étude menée sur une importante cohorte d’amérique centrale/sud (90 000 patients), les taux de rétention (plus de deux visites séparées de 3 mois dans l’année) sont de l’ordre de 60-70% au cours des premières années (2003), et stable au cours de l’ensemble de la période, ce qui est plutôt bon. Le taux d’accès au traitement augmente avec le temps, de même que le taux de charges virales contrôlées (<200 cop/mL), qui atteint 85% à la fin de la période (2012).
En terme de continuité des soins, les femmes font un tout petit peu moins bien (3% de perdues de vue de plus que l’ensemble de la population), les usagers de drogue mieux que les autres, les jeunes sont moins mis sous traitement et ont donc moins de charges virales contrôlées ; en terme de suppression virale il n’y a pas de différence entre les groupes de risques (MSM, IVDU et hétéro).

Présentation téléchargeable ici

Proposer un traitement immédiat en ambulatoire après le dépistage améliore l’efficaicté virologique / Providing same day, observed ART to newly diagnosed HIV+ outpatients is associated with improved virologic suppression
C. Pilche, USA

Actuellement à San Francisco, le processus de mise sous traitement antiviral après diagnostic de VIH est assez long, avec un processus multidisciplinaire. Sur la période 2006-2009, il fallait 218 jours entre le rendu du résultat et le fait d’arriver à une charge virale ≤ 200 copies/mL ; sur 2012-2013, après la mise en place du traitement universel à San Francisco, il fallait 132 jours. Il a donc été décidé de passer à un modèle « rendu du diagnostic/traitement le même jour » (les patients pouvaient être adressés d’un autre site, et le délai entre test et rendu du résultat était variable), et a débuté en juillet 2013 avec une évaluation en décembre 2014. Il était initialement destiné aux patients en primo-infectionPrimo-infection Premier contact d’un agent infectieux avec un organisme vivant. La primo-infection est un moment clé du diagnostic et de la prévention car les charges virales VIH observées durant cette période sont extrêmement élevées. C’est une période où la personne infectée par le VIH est très contaminante. Historiquement il a été démontré que ce qui a contribué, dans les années 80, à l’épidémie VIH dans certaines grandes villes américaines comme San Francisco, c’est non seulement les pratiques à risques mais aussi le fait que de nombreuses personnes se trouvaient au même moment au stade de primo-infection. puis a été généralisé.
Les patients se voient donné un traitement de 5 jours avec 1ère une prise à la clinique, au plus proche du rendu du résultat du test. En moyenne, le temps entre l’annonce du diagnostic et la prise du 1er comprimé a été de 24h (certains patients pouvaient être amenés à réfléchir et prendre le traitement au delà du premier jour).

L’étude concerne les patients diagnostiqués entrés dans ce programme, comparé aux patients vus dans le circuit classique.

Sur les 39 patients, aucun n’avait d’assurance maladie, un tiers étaient SDF, 60% était noirs et c’était tous des hommes… 70% étaient en primo-infection. 22% des patients avaient une résistance au NNRTINNRTI Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI en Français ou «non-nucleoside reverse transcriptase inhibitors», NNRTI, en anglais) ont un effet inhibiteur direct sur la transcriptase inverse (TI) du VIH-1 en formant une liaison réversible et non compétitive avec l'enzyme. La nevirapine, la delavirdine et l'efavirenz sont des NNRTI. 90% des patients ont reçu un traitement de 1ère ligne avec inhibiteur d’intégrase.

35/39 patients ont été preneurs du traitement immédiat. L’enthousiasme des patients au fait qu’on leur propose un traitement immédiat a été un soutien important pour les soignants afin de continuer dans ce sens. Il y a un peu plus de changement de traitement chez les patients traités immédiatement par rapport aux patients traités de façon classique, allant dans un sens de simplification secondaire (la plupart des patients en traitement immédiat débutent avec dolutegravir-truvada, et la simplification va ensuite vers des régimes en un seul comprimé par jour).

La moyenne d’atteinte de charge virale indétectable chute ainsi à 56 jours suivant le rendu du test de dépistage, ce qui s’explique aussi par l’utilisation d’ARV d’action plus rapide.

(NDR : comment cela a été souligné dans la discussion qui fut très intéressante, c’est un virage à 180° par rapport à notre discours habituel du « il n’y a pas d’urgence à traiter » ou pour les pays à ressources limitées et le sacro-saint parcours d’éducation à l’observance et ses 3 consultations pré-thérapeutiques … Il existe néanmoins un exemple dans les PED avec les femmes entrant dans les programmes de PTME et où le taux de perdues de vue est important : de tels programmes nécessiteront un accompagnement du suivi ultérieur particulièrement rapproché, même si dans cette étude il ne semble pas y avoir plus de perdus de vue que lors de l’initiation de traitement « classique (tous les patients ont une charge virale indétectable à 6 mois). L’orateur a néanmoins bien souligné qu’il s’agissait d’une population particulière, délaissée par le système de soins américain, et assez contente que l’on s’occupe de sa santé. C’est probablement ce type de démarche qui explique que l’espérance de vie des séropositifs aux USA devienne meilleure que celle de la population comparable non infectée par le VIH… cf. chronique de mardi.

Présentation téléchargeable ici

Session « Primo-infections »

Le traitement en primo-infection limite la taille du réservoir viral, mais pas autant que chez les non-progresseurs à long terme / Long-term early antiretroviral therapy limits the HIV-1 reservoir size as compared to later treatment initiation but not to levels found in long-term non-progressors
E. Malatinkova, UK

Quatre cohortes ont été retenues, recrutées dans deux centres de Londres et de Ghent: les patients traités en primo-infections, les patients traités au delà de la primo-infection, les patients qui sont non-progresseus au long terme (LTNP) et les patients non traités.
Le réservoir viral a été mesuré dans l’ensemble de ces cohortes et comparé.
Le réservoir sanguin d’ADN viral (DNA/PBMC) est le plus élevé en primo-infection, moins chez ceux qui sont traités tardivement, encore moins élevé chez ceux qui sont traités en primo, mais le moins élevé est celui des LTNP. Les résultats sont les mêmes pour le DNA intégré ; en dehors de primo-infection active, le réservoir mesuré par les cercles LTR est le même chez les traités (en primo ou non) et les LNTP.
Le ratio CD8/CD4 est plus élevé chez les patients traités précocement, plus que chez les LNTP, et il existe une corrélation négative entre le réservoir viral et le rapport CD8/CD4.
Dans les biopsies rectales, les quantifications dans les cohortes traités et LTNP ne sont pas différentes.
Une des limites de l’étude est que l’on ne connait pas les stades Fiebig lors de la mise sous traitement du fait de son caractère rétrospectif de celle-ci, mais ce sont des données supplémentaires allant dans le sens de la nécessité d’un traitement précoce au cours de la primo-infection quand il est possible.

Haut niveau de sérologies négatives chez les patients traités tôt en primo-infection / High rates of non-reactive HIV serology after antiretroviral treatment initiated in acute HIV infection
J.L.K. Fletcher, Thaïlande

La cohorte de Bangkok présentée ici assure le suivi de patients vus très précocement en primo infection, défini par un test de 4ème génération positif et de 2nde génération négatif, ou un test Elisa négatif et une PCRPCR "Polymerase Chain Reaction" en anglais ou réaction en chaîne par polymérase en français. Il s'agit d'une méthode de biologie moléculaire d'amplification d'ADN in vitro (concentration et amplification génique par réaction de polymérisation en chaîne), utilisée dans les tests de dépistage. positive ; 271 patients ont été inclus entre avril 2009 et décembre 2014, et 262 ont été analysés pour cette présentation. Il s’agit à 94% de HSH, vus en moyenne 18 jours après la contamination et traités dans les 24 heures suivant le diagnostic.
Les prédicteurs de la négativité de la sérologieSérologie Étude des sérums pour déterminer la présence d’anticorps dirigés contre des antigènes. à 24 semaines sont le stade Fiebig 1 ou 2 au moment du diagnostic, le fait d’être traité précocement ou d’avoir une charge virale < 5 log et des CD4 > 350 ; 20% des patients sont non réactifs en test de 4ème génération à 6 mois.

Présentation téléchargeable ici

Diminution de la transmission de souches de VIH résistantes chez les HSH à Bangkok entre 2009 et 2014 / HIV transmitted drug resistance declined from 2009 to 2014 among acutely infected MSM in Bangkok, Thailand
D. Colby, Thaïlande

Il s’agit de la même cohorte que celle de la présentation précédente. 229 patients sont analysables, il s’agit essentiellement (80%) de sérotype CRF01_AE. Il y a relativement peu de mutations transmisses : 7% en tout sur l’ensemble de la période, déclinant au fil du temps : 12.5% en 2019, 4.8% en 2014-4, et c’est surtout vrai pour les NNRTI (il y a très peu de résistances aux IP). Pour les dernières années, cela correspond à la définition de l’OMS de « bas seuil de transmission de résistance ». Cela renforce l’idée que le traitement de 1ère ligne à base de NNRTI reste pertinent et ne justifie pas une recherche systématique individuelle de résistance lors du diagnostic, mais justifie d’une surveillance épidémiologique continue

Présentation téléchargeable ici

Evaluer le succés virologique à 24 semaines est trop précoce en cas de primo-infection / Twenty-four weeks is too short to assess virological success in primary HIV infection treatment.
A. Vandendriessche, France

Le but de l’étude est d’analyser une cohorte de patients en primo-infection du CHU de Rouen, traités dans les 3 mois de la primo-infection. L’analyse de l’échec ou du succès virologique se fait à 24 semaines de traitement. La moitié des patients avaient moins de 500 CD4/mm3 (12% < 200). La moyenne d’introduction de traitement est de 11 +/-12 jours après le diagnostic. Onze combinaisons différentes ont été utilisées (études sur 10 ans…).
80% des patients ont une CV <40 cop/mL à 24 semaines. Chez 11/55 patients, la CV est > 40, (CV moyenne 155 cop/mL), mais il n’y a aucune mutation de résistance. « L’échec virologique » est essentiellement corrélé à la charge virale pré-thérapeutique et au niveau de CD4. En analyse multivariée, aucun facteur de risque ne ressort. Il n’y a pas de corrélation au type de traitement utilisé, et les patients (à une exception près) ont tous une CV indétectable à S96. On en conclu que 24 semaines est trop tôt pour faire une évaluation de l’efficacité en cas de primo-infection. (NDR : Il aurait été intéressant de regarder également chez des patients à charge virale élevée hors primo-infection, pour savoir si cette limite est liée à la primo infection ou uniquement au caractère élevée de la charge virale.)

Présentation téléchargeable ici

Etat des lieux concernant la primo-infection / PHI: State of the ART
S. Fidler, Imperial College London, United Kingdom

Il y a trois raisons de commencer un traitement en primo-infection : améliorer la récupération immunitaire, limiter la taille du réservoir et limiter le risque de transmission secondaire.

Améliorer la restauration : La probabilité de récupérer les CD4 > 900/mm3 est bien supérieure chez les patients ayant démarré un traitement dans les 4 mois suivant l’infection que ceux ayant débuté plus tard (NEJM 2013).
Un des marqueurs indirect de l’inflammation chronique dans le VIH est le rapport CD8/CD4. Les patients ayant débuté un traitement précocément ont également beaucoup plus de probabilité de retrouver un rapport > 1.

Limiter le réservoir : Dès le début des années 2010, il a été démontré que le traitement précoce limitait la taille du réservoir viral, avec des données probantes à la fois chez l’adulte, chez l’enfant et chez le nouveau-né. Par ailleurs la mesure du réservoir ADN prédit la survenue d’évènements cliniques (Williams et al. eLife 2014). Les patients de la cohorte VISCONTI, chez qui le traitement est arrêté sans rebond, ont des réservoirs particulièrement bas ; enfin, la taille du réservoir est prédictive de la rechute à l’arrêt du traitement…

Limiter la transmission : les données épidémiologiques montrent que les cas de chaines de transmission en primo-infections ne sont pas rares (Québec, Malawi…) et qu’il peut être important de traiter précocement pour « casser » ces chaines. Les traitements doivent-ils être différents lors de la primo-infection ? Deux essais randomisés ont regardé si renforcer le traitement avait un intérêt (dont l’essai OPTIMPRIM) : si la CV baisse un peu plus vite, il apparaît que la toxicité augmente et qu’il n’est donc probablement pas licite de faire plus, surtout avec l’arrivée des inhibiteurs d’intégrase en 1ère ligne.

Enfin, les patients traités tôt en primo-infections seront de bons candidats pour tester cliniquement les concepts de traitement de guérison, puisqu’ils seraient les plus susceptibles dans un premier temps de répondre à ce type de thérapeutique.