PreParez vos mouchoirs

Cela était inscrit : cette CROI 2015 serait dévolue à la prévention VIH, ou ne serait pas.

En atteste l’imprécise session plénière d’ouverture, bien trop gay-américano centrée et focalisée sur une partie partiale, et partielle, de la PrePPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. (# 20, Raphael J Landovitz, UCLA) et plus encore l’opulente session orale du matin, couverte comme il se doit par la confrontation entre les données sous embargo de la perfide Albion (PROUD) versus l’intermittence préventive française (Ipergay). Le tout, déjà copieux, suivi d’un déroulé  avec le concept de Prep & TaspTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). conjugués (#24 Jared Baeten), celui du scaling up de la Prep post Iprex à San Francisco par le «père» du concept, Robert M. Grant (#25) et une intervention remarquée de la «mère» du Test and Treat, Wafaa M.El-Sadr (#29), en passant par les essais de Prep orale ou par gel chez les femmes, qu’on ne saurait passer sous silence (# 26 LB, # 27). 

Les messages de PROUD et Ipergay

Plusieurs messages transparaissent au vue des résultats spectaculaires de PROUD et d’Ipergay-ANRS (86% de réduction de risques chez les HSH par rapport ou au groupe différé ou au groupe placébo) mais aussi de l’expérience du Partners Demonstration Project dans les couples séro-discordants à hauts risques en Afrique (voir l’article de Valérie Martinez-Pourcher):

  1. La Prep doit être ciblée et il convient de ne pas louper la cible. Ou les cibles;
  2. Il existe probablement un effet protecteur de l’utilisation du placeboPlacebo Substance inerte, sans activité pharmacologique, ayant la même apparence que le produit auquel on souhaite le comparer. (NDR rien à voir avec le groupe de rock alternatif formé en 1994 à Londres par Brian Molko et Stefan Olsdal.) dans les essais randomisés (Iprex, Ipergay,etc.), à tel point que l’ouverture de Prep, que ce soit par ablation du bras placebo, par mise à disposition (RTU) pré-commercialisation, ou par AMMAMM Autorisation de Mise sur le Marché. Procédure administrative qui autorise un laboratoire pharmaceutique à commercialiser une molécule. devrait être associé à une prévention et une surveillance des processus compensatoires du risque;
  3. Aucun système de santé, ou associatif, ne pourra assurer, dans la «vrai vie» de la Prep, le service préventif et de councelling mis en place et financé dans les principaux essais de Prep , que ce soit par la Fondation Gates, l’ANRS ou le MRC. Pour ne citer qu’un chiffre qui fixe les idées, et aussi les convoitises, l’essai Iprex a généré 687 emplois pour 2 500 volontaires inclus et un budget de 32 millions de dollars…  Comme le rappelait un représentant français, plutôt précocement acquis à la cause Prep, au premier rang de la session où Jean-Michel Molina a présenté les résultats d’Ipergay: «C’est bien que cela montre quelque chose vu ce que cela a coûté!»  

Des taux d’incidence hallucinants

Mais que le lecteur ne s’y méprenne pas. Ces excellents résultats nous apportent aussi une très mauvaise nouvelle. Ceci, sans rapport, bien entendu, avec les vapeurs de Chardonnay ou de celle du cannabis, dans cet état (le seul avec le Colorado) qui a légalisé le commerce de la Marijuana1l’auteur tient à disposition, sur demande, la liste des congressistes français ayant gouté, voir abusé, du CBD Dark chocolate + cannabis (ratio 1 :1)… vendus chez Uncle Eikes Shop sur Union Sreet, au point de confondre la salle des posters avec les toilettes publiques. Particularité de l’Etat de Washington dont nous reparlerons, plus sérieusement, avec Didier Jayle présent aussi  à cette CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2015, dans Swaps et sur Vih.org.. La mauvaise nouvelle, donc, des taux d’incidences, assez hallucinants, observés dans ces études. Qui ont prix à contrepied nombre de statisticiens. Que ce soit les 8,9% du bras différé de PROUD [IC 90 % : 6-12,7] ou les 6,6 % du bras placebo de ANRS-Ipergay. Bien au-delà de l’incidence attendue au Kenya et en Ouganda avec les couples hétérosexuels séro-discordants «à haut risques» de Partners : 5,2 % [3,6-6,4]. Des taux d’incidence d’épidémies concentrées, à mettre en parallèle avec les 2,13 millions de nouvelles contaminations évaluées pour l’année 2013 dans le monde. A ce titre, la Prep figure désormais comme un bel outil de prévention combinée, une «bonne idée» préventive. A condition que les pays, et les communautés, puissent se l’approprier. Et vouloir en connaitre les bénéfices individuels.

Le Pr Gilles Pialoux est à la CROI 2015, qui se tient cette année à Seattle, du 23 au 26 février, et coordonne le E-journal en direct pour La Lettre de l’infectiologue. Il est également co- investigateur et membre du Conseil Scientifique de l’Essai ANRS Ipergay.

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