Sevrage tabagique — E-cigarette : Le point de vue de l’usager

Intervention de Brice Lepoutre lors des 3e Rencontres sur la réduction des risques, organisées par la chaire d’addictologie du CNAM, la fédération Addiction, Aides et Vih.org/Swaps.

Tout d’abord, un petit historique de mon parcours pour ceux qui ne me connaissent pas. J’ai commencé à fumer à 15 ans et consommaient quatre cartouches par mois (40 paquets/mois), mon arrêt le plus long a été de 12 heures avant de replonger.

J’ai découvert la cigarette électronique à la télévision au moment du durcissement de la loi évin. À la suite de la démonstration d’un vendeur, pour le journal télévisé. Les revendeurs n’étaient pas nombreux à l’époque. Quelques mois plus tard, j’ai pris rendez-vous avec l’un d’eux, et j’ai essayé. Le concept m’a plu et surtout la sensation dans la gorge était présente, à ma grande surprise. Cette sensation était pour moi indispensable. Avec la première génération de cigarette électronique, les premières 48 heures ont été difficiles, un vrai junky en manque… Je me suis acharné et ça a marché.

En 2008, je me suis lancé dans un forum sur la e-cigarette pour que les vapoteurs puissent s’aider et s’organiser, on était 200, nous échangions, nous dépanions,… le matériel d’il y a 5 ans n’était pas le même qu’aujourd’hui. Il fallait bricoler la résistance, la sortir avec un trombone, le eliquide n’existait pas, nous le faisions nous-mêmes en pressant les cartouches à la main pour en extraire le liquide et le poser directement sur la résistance. Aujourd’hui, ce forum est devenu le plus gros forum européen sur le sujet. Il compte 60 000 membres, près de 3 millions de messages et un million de visiteurs par mois. Quand on a compris qu’au niveau européen, on allait nous empêcher de vapoter, qu’on allait brider la vape et la rendre inefficace, on a décidé de créer, avec l’aide d’un administrateur d’un autre forum, l’Association des usagers de cigarette électronique (Aiduce) en 2013, il y a un an. Nous avons monté cette association, car aux yeux des pouvoirs publiques et des médias, nous n’étions personnes. Des consommateurs réunis autour de forums, ça ne compte pas. Seule une association permet d’avoir l’oreille nécessaire.

Les actions d’Aiduce

Aussitôt créée, de nombreux médias ont commencé à s’intéresser à notre association et ont pris contact avec nous. On a été contacté pour participer au rapport de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT). Notre participation a été cruciale et a permis d’asseoir notre sérieux. Nous avons lancé une pétition contre la législation européenne qui a récolté 40 000 signatures, nous éditons un magazine d’information téléchargeable gratuitement sur notre site Internet (http://www.aiduce.fr/). On participe actuellement à l’observatoire de la cigarette électronique avec 60 millions de consommateurs, qui, à la suite de leur article, a pris contact avec nous pour recueillir notre point de vue. À la même table, des utilisateurs et des distributeurs sont réunis sous l’égide de l’Institut national de la consommation (INC) et de l’OFT : Aiduce et le Collectif des acteurs de la cigarette électronique (Cace). Il faut savoir que les vendeurs vont participer financièrement à tout ce qu’on va mettre en place.

L’expérience des vapoteurs

Quelle est la motivation du fumeur de tabac à passer à la cigarette électronique? D’abord le prix. C’est un argument qui ressort souvent sur les forums. En moyenne, un consommateur de tabac dépense 2600 euros par an, avec le même ratio, on tombe à 480 euros par an avec la cigarette électronique. C’est vraiment le premier argument. On avait fait un sondage sur le forum en demandant si le vapotage revenait plus cher que le tabac, auriez-vous essayé? La grande majorité répondait non. Ensuite, c’est la santé. Il s’agit bien souvent de fumeurs qui n’arrivaient pas à arrêter, qui étaient conscients des méfaits du tabac sur leur corps. Ils se savaient condamnés et l’assumaient. La santé n’avait plus le même prix. La cigarette électronique leur a permis quelque chose de magique qui est de sortir la tête haute du tabac. Je ne suis plus fumeur de tabac et j’ai le truc qui me le permet.

On pourrait parler de « vapologie » Les plaisirs peuvent être customisés en fonction des besoins de chacun et de l’humeur du jour alors qu’avec le tabac, toutes les cigarettes ont à peu près le même goût. La cigarette électronique se rapproche davantage du vin, il y a une variation de plaisirs en fonction du moment. Un liquide se déguste, et on peut choisir l’arome dont on a envie pour un instant choisi.

Temps et mode d’adaptation

L’étude de Bullen1Bullen C, Howe C, Laugesen M et al. Electronic cigarettes for smoking cessation: a randomised controlled trial. Lancet 2013;382:1629-37., qui a démontré que la cigarette électronique était égale aux patchs en matière d’efficacité, m’a beaucoup servi. Elle démontrait que la cigarette électronique médicalisée, comme le souhaitait l’Europe, ne fonctionnait pas. Ce n’est pas la réalité du terrain. Une bonne cigarette électronique s’adapte à chacun et, sur le forum, 74 % ont réussi à arrêter le tabac. On retrouve ces chiffres dans l’étude de Dawkins2awkins L, Turner J, Crowe E. Nicotine derived from the electronic cigarette improves time-based prospective memory binabstinentsmokers.Psychopharmacology (Berl) 2013;227:377-84. ou chez J.F. Etter3EtterJF.Lavéritésurlacigarette électronique. Fayard. 2013..

Il y a aussi des personnes qui continuent de fumer du tabac tout en vapotant, sur le forum, ils sont 14 % qui fument occasionnellement du tabac et 13 % qui fument du tabac tous les jours. Il y a aussi des revenants des cigarettes électroniques de première génération qui avaient abandonné, car le matériel était trop compliqué, ils souhaitent toujours arrêter de fumer du tabac, donc il tente à nouveau la cigarette électronique.
Comment choisir son équipement? Vapoter implique un équipement : la batterie qui amène du courant, des atomiseurs, il en existe des centaines de différents qui, eux, vont rendre les liquides, donc le goût et la sensation, différents. Il y a les composés de l’atomiseur, la résistance, qui est faite de différente manière, et la fibre qui va absorber, le tout donnant des rendus différents. Il y a de multiples possibilités de matériels qui peuvent correspondre à chaque personne. Pour les e-liquides, le dosage en nicotine est différent, il va de 0, 6 mg, 12 mg à 18 mg, on peut avoir des proportions différentes de propylène glycol/glycérine végétale (50/50, 75/25, etc.), on peut avoir des composés supplémentaires comme l’alcool et puis les arômes. La cigarette électronique universelle n’existe pas.

Il faut trouver l’assemblage de liquide et de matériel qui convient à chacun. C’est important de conserver cette grande variété de choix si on veut que ce produit reste efficace dans l’arrêt du tabac.

Le rôle des forums Ilfautrappelerqu’ilestimportantdetoujours vérifier l’indépendance des propos qui sont tenus sur les blogs et forums, il faut rester vigilant, car certains sont faux. C’est valable pour tout, votre machine à laver, votre frigo, etc.

Les forums jouent un rôle très important dans l’aide à l’arrêt du tabac et pour ne pas y retomber. On y trouve une communauté soudée, de l’aide et du soutien. De 200 personnes il y a 5 ans, on compte 1 million de visiteurs par mois aujourd’hui. Le fait de faire partie d’une communauté avec un soutien fait partie du succès de la cigarette électronique.

Les vendeurs ont un rôle important aussi, ils ne sont pas que des vendeurs, ils conseillent, ils doivent trouver les mots justes.

Multiplier les choix pour réduire les risques

Depuis six ans, le produit a évolué à une vitesse fulgurante qui a permis une veille sanitaire. On a désormais une bonne qualité de produit. Une communauté qui a du poids, qui traque les moindres ingrédients et qui a son mot à dire face aux industriels. Les industriels savent très bien qu’ils risquent d’être boycotter et de fermer boutique si la qualité que souhaite le consommateur n’est pas présente.

Même en Chine, on a réussi à faire pression. En Italie, l’un des fabricants de liquide a accepté un compromis européen qui ne nous va pas, il risque de le payer cher. Partout dans le monde, les usagers font pression sur les fabricants.

Le choix est aussi le succès de la cigarette électronique, tout le monde peut y trouver son bonheur. En six ans, on se retrouve avec des centaines de modèles de cigarettes électroniques consommables. La technologie a évolué grâce aux «moddeurs» qui, dans leur garage, fabriquent des « mods », de nouvelles cigarettes électroniques personnalisées. Si la technologie est efficace, elle est reprise par des usines dans le but d’améliorer les produits grand public.

Pour nous, consommateurs, il est important de conserver la multiplicité des choix si on veut que les gens poursuivent l’arrêt du tabac grâce à la cigarette électronique. Nous devons même l’encourager, ainsi que le développement des produits, contrairement à ce qu’a voulu faire l’Europe en décembre 2013. La médicalisation de la cigarette électronique aurait été sanitairement catastrophique. Il est important de rassurer et d’encourager les fumeurs de tabac à passer à la cigarette électronique et non de leur faire peur.