IAC 2014 — Dépistages répétés du VIH à domicile en Afrique du Sud: Une stratégie bien acceptée à large échelle

Les premiers résultats de la première phase de l’essai ANRS 12249 TasP montrent qu’une proposition répétée de dépistage du VIH à domicile est bien acceptée par une population rurale d’Afrique du Sud. Le défi demeure d’amener les individus infectés vers les structures de soins pour une prise en charge de l’infection. Ces résultats sont présentés en communication orale à la 20e conférence internationale sur le sida organisée par l’International Aids Society à Melbourne (Australie) du 20 au 25 juillet 2014. 

La mise sous trithérapie antirétrovirale dès le diagnostic de séropositivité permet-elle de diminuer la transmission du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. dans la population et par conséquent l’acquisition de nouvelles infections (l’incidence)? C’est une question cruciale pour lutter efficacement contre le VIH. Lancé en mars 2012, l’essai ANRS 12249 TasPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). (Treatment as Prevention) est l’un des quatre essais randomisés internationaux visant à évaluer l’efficacité de la stratégie TasP au sein d’une large population. Il est conduit en Afrique du Sud dans la province du KwaZulu-Natal, une des régions présentant l’une des plus fortes prévalences du VIH au monde et la plus élevée de toute l’Afrique du Sud (16,9% en 2012 d’après la toute dernière enquête nationale en population générale).

Dans cet essai, 22 zones géographiques («clusters») d’environ 1,000 habitants chacune ont été définies. Les clusters sont répartis de façon aléatoire en deux groupes (un groupe intervention et un groupe contrôle composé chacun de 11 clusters). L’intervention testée consiste tout d’abord à proposer systématiquement aux habitants, de façon répétée (tous les six mois) et à leur domicile, un dépistage rapide du VIH. Au sein du groupe intervention, les personnes identifiées comme séropositives se voient proposer une mise sous antirétroviraux immédiate, quel que soit leur niveau de lymphocytes CD4. Dans le groupe de comparaison, la mise sous traitement est conseillée selon les indications actuellement recommandées par le Département sud-africain de la santé. Des cliniques mobiles ont été implantées dans chaque cluster pour faciliter l’accès aux soins.

Les résultats présentés à la conférence de Melbourne portent sur la phase pilote de l’essai qui a été réalisé dans 10 clusters et a concerné plus de 12,000 personnes âgées de plus de 16 ans, suivies entre un an et 18 mois. Le statut sérologique a pu être établi sur près de 9,000 personnes, soit parce qu’elles déclaraient qu’elles étaient séropositives, soit parce qu’elles acceptaient le test de dépistage rapide. Les premiers résultats sont les suivants :

  1. Le dépistage à domicile est bien accepté puisque le statut VIH a pu être identifié pour 82% des personnes contactées. Parmi les personnes testées séronégatives au premier contact à domicile, 85% ont accepté un second test VIH lors de la seconde visite à domicile.
  2. La prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. de l’infection par le VIH est bien plus importante que celle estimée initialement: 31%.
  3. Environ 25% des 2,570 personnes identifiées séropositives l’ont appris grâce à l’étude
  4. En ce qui concerne les personnes identifiées séropositives et qui n’étaient pas prises en charge dans une filière de soins lors du passage à domicile, seules 48% se sont présentées en clinique dans les six mois (63% dans l’année).
  5. Dans le groupe intervention, 80% des personnes ayant un taux de CD4>350 cellules/mm3 recevaient un traitement.

«Ces premiers résultats sont très importants, indique le Pr François Dabis (Institut de Santé Publique, Epidémiologie et Développement, InsermInserm Institut national de la recherche médicale. U897, Bordeaux), un des co-investigateurs de l’essai, car ils valident la première étape de la démarche TasP qui vise à tester et traiter l’ensemble d’une population adulte afin d’enrayer la transmission. Le dépistage rapide à domicile est très bien accepté et nous n’avons observé aucun frein majeur susceptible de remettre en question l’intervention. Nous constatons simplement que les personnes nouvellement diagnostiquées séropositives ont besoin de temps pour entrer dans une démarche de soins, notamment quand elles se sentent en bonne santé. Cependant, une fois dans le système de soins, la prise d’antirétroviraux est bénéfique. Nous améliorons notre stratégie afin d’encourager l’entrée et le maintien dans les structures de soins de tous les participants de l’essai.»

«La validation de la première phase de cet essai est une étape essentielle, explique le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS (France REcherche Nord&sud Sida-hiv Hépatites). Nous pouvons donc continuer l’essai.» L’essai est entré dans sa seconde phase en juin 2014. Les premiers résultats en termes d’efficacité de la TasP sur la réduction attendue de l’incidence du VIH en population devraient être connus fin 2016.

L’essai ANRS 12249 TasP est coordonné par le Pr François Dabis (Institut de Santé Publique, Epidémiologie et Développement, Inserm U897, Bordeaux), le Pr Marie-Louise Newell (Université de Southampton, Royaume Uni) et le Pr Deenan Pillay (Directeur de l’Africa Centre for Health and Population Studies, Mtubatuba, Afrique du Sud et University College London, Royaume-Uni). L’essai est mené en partenariat avec le Ministère de la Santé du KwaZulu Natal, Afrique du sud, la GTZ (société allemande pour la coopération internationale) et le Wellcome Trust anglais. L’International Initiative for Impact Evaluation (3ie) apporte un soutien financier au projet pour sa seconde phase.

Bibliographie

Feasibility and acceptability of an antiretroviral treatment as prevention (TasP) intervention in rural South Africa: results from the ANRS 12249 TasP cluster-randomised trial. 20th international AIDS Conference, Melbourne, 20-25 juillet 2014, abstract n°WEAC0105LB.
C. Iwuji1, J. Orne-Gliemann2, F. Tanser1, R. Thiébaut2, J. Larmarange3, N. Okesola1, M.-L. Newell4, F. Dabis2
1Africa Centre for Health and Population Studies, University of KwaZulu-Natal, Somkhele, South Africa, 2Bordeaux University, Institut de Santé Publique, Epidemiologie et Developpement, Bordeaux, France,
3Centre Population et Développement (CEPED UMR 196 Université Paris Descartes-Ined-IRD), Paris, France, 4University of Southampton, Faculty of Medicine, Faculty of Social and Human Sciences, Southampton, United Kingdom