Nanoparticules — Nanotechnologies, une révolution dans la délivrance des antirétroviraux

Les nanotransporteurs correspondent à des systèmes variés de nanoparticules dont la taille varie généralement entre 10 et 1000 nm que l’on associe à des molécules de médicament.  Cette petite taille leur confère la propriété de délivrer le médicament qu’ils transportent, selon les cas, vers des cibles spécifiques et favorisent son franchissement des barrières biologiques car ils sont polyvalents.

> Taille des différents types de nanoparticules.

Leur pénétration cellulaire peut se faire par des mécanismes actifs (nécessitant un apport d’énergie) ou bien passifs (sans énergie) tels que l’endocytose et la pinocytose, ou encore en utilisant un mécanisme de transport facilité (utilisation de gradients ioniques). L’endocytose et la fixation sur des récepteurs de transporteurs transmembranaires sont les mécanismes physiologiques les plus utilisés par les nanotransporteurs pour atteindre le milieu intracellulaire.

On peut classer les nanotransporteurs en fonction des constituants utilisés pour leur fabrication (liposomes, dendrimères nanoparticules polymériques, nanoparticules à partir de lipides sous forme solide, ou encore nanoparticules métalliques). Une classification plus « pharmaceutique » les classe en nanosphères, nanocapsules ou il est encore possible de se baser sur les modalités de dispersion du médicament au sein du nanotransporteur.

Même si l’association d’antirétroviraux à mécanisme d’action différent au sein des HAART donne aujourd’hui des résultats remarquables sur le ralentissement de l’évolution de l’infection, l’éradication du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. n’est toujours pas d’actualité. Les facteurs essentiels qui contribuent à cet échec sont de trois sortes, en grande partie liés les uns aux autres ; (i) la trop faible pénétration des antirétroviraux dans les cellules et ganglions du système immunitaire, (ii) l’incapacité de ces médicaments à pénétrer dans les sites « protégés » (système nerveux central, testicules) et qui sont aussi des réservoirs viraux et (iii) enfin, la tolérance médiocre vis à vis de nombreux antirétroviraux qui conduit immanquablement à une mauvaise observanceObservance L’observance thérapeutique correspond au strict respect des prescriptions et des recommandations formulées par le médecin prescripteur tout au long d’un traitement, essentiel dans le cas du traitement anti-vih. (On parle aussi d'adhésion ou d'adhérence.) Dans ce contexte, l’apparition de virus résistants n’est pas étonnante et au même titre que l’existence de virus latents non répliquant vont être des obstacles majeurs à l’éradication virale.  

L’utilisation de systèmes de nanotechnologies vise à répondre à ces problèmes aujourd’hui non encore résolues.

En effet, d’une manière générale les nanotransporteurs présentent plusieurs avantages tel que:

– Protection du principe actif contre une possible dégradation dans l’organisme;
– Ciblage du médicament vers sa (ces) cible(s) pharmacologique(s);
– La possibilité de véhiculer et libérer des molécules biologiques (protéines, peptides, et oligonucléotides);
– Enfin la possibilité de conservation des médicaments au sein de divers nanosystèmes semble satisfaisante dans la plupart des cas.

L’engouement actuel de la recherche galénique pour ce type de vecteurs touche différents domaines thérapeutiques pour lesquels on veut surmonter les problèmes habituels de pharmacocinétique et toxicocinétique d’un médicament dans l’organisme. Ainsi, cette approche est envisagée pour améliorer:

– la stabilité physico-chimique et/ou conformationelle des molécules,
– permettre l’administration orale de principes actifs non absorbables par le tractus digestif,
– une distribution inadaptée dans l’organisme notamment en terme de pénétration intracellulaire d’une molécule à diffusion insuffisante,
– la réduction de la clairance cellulaire et tissulaire du principe actif et enfin,
– pour la prévenir ou même la réduire une réaction immuno-allergique trop puissante.

Moduler la pharmacocinétique

Le concept de base à l’origine de la tentative d’utilisation des systèmes de nanoparticules dans le traitement de l’infection par le VIH est d’abord d’ordre pharmacologique avec la possibilité de moduler la pharmacocinétique des molécules qui leur sont associées. Dans ces conditions en effet, les propriétés qui vont influencer l’absorption, la distribution et l’élimination du médicament dans l’organisme du patient seront celle des nanoparticules vectrices (notamment molécules de surface exposées, charge électrique et taille) et non celles du principe actif lui-même.  

> Améliorations attendues da la pharmacocinétique des ARVs grâce aux nanoparticules dans les structures lymphoïdes digestives.

Il est alors possible d’orienter le principe actif vers les cellules et organes directement impliqués dans le développement de l’infection et favoriser, selon le type de nanotransporteur utilisé, sa pénétration dans les couches sub-épithéliales d’épithélium muqueux, le ciblage des virus intra-cellulaires, le passage au travers des barrières physiologiques les plus hermétiques telles que la barrière hémato-méningée donnant accès au système nerveux central. Avec ces systèmes il est donc possible de véhiculer un principe actif vers les sites sanctuaires en quantité suffisante et de prolonger sa présence au contact des cibles virales.

Les propriétés des systèmes de nanoparticules chargées en principe actif vont contribuer à favoriser tel ou tel site de délivrance. En cas de ciblage passif de différentes cibles dans l’organisme, ce sont la taille, la forme et la charge électrique des nanosystèmes qui vont moduler leur biodisponibilité et leur biodistribution vers les cellules cibles. De même, la modification de la surface des nanosystèmes à l’aide de ligands spécifiques favorisera le ciblage de cellules (ou de sites) capables de reconnaître ce(s) ligand(s) de surface et s’y attacher, dans certains cette approche contribue aussi retarder les processus d’élimination. Par ailleurs, il est possible qu’une cible pharmacologique possède plusieurs constituants capables d’être reconnus par les ligands attachés à la surface des nanosystèmes.  Ainsi, des ligands comme la transferrine, la thiamine ou encore les peptides capable de pénétrer les cellules, sont parmi les fragments biologiques les plus souvent testés pour surmonter la difficulté de pénétration de certains antirétroviraux dans le SNC. De plus, l’utilisation d’un nanotransporteurs comprenant plusieurs fragments de ciblage moléculaire devrait théoriquement augmenter la spécificité de la distribution du médicament dans l’organisme.

Effet protecteur

Parmi les nombreux avantages potentiels de ces systèmes de délivrance des médicaments on compte aussi l’effet protecteur qu’ils exercent vis à vis de la dégradation des molécules qu’ils transportent, la possibilité de les utiliser pour véhiculer des molécules biologiques telles que protéines, peptides ou oligonucléotides. N’étant pas substrats des pompes d’efflux (notamment la Pgp), ils sont aussi capables de contourner un des mécanismes qui conduit à l’existence de sites sanctuaires et à l’apparition de mutations de résistance. C’est ainsi qu’en facilitant l’apport d’une quantité plus importante de principes actifs dans des sites difficiles d’accès pour eux, en prolongeant le temps de résidence dans les tissus cibles, les système de nanoparticules peuvent conduire à réduire la dose administrée, augmenter l’intervalle entre deux administrations favorisant ainsi l’observance et l’apparition de mutations de résistance. Enfin, les nanosystèmes pourraient réduire la toxicité des médicaments qu’ils transportent car, bien que favorisant la pénétration cellulaire du principe actif encapsulé, ils favorisent généralement son relargage progressif. Il est donc essentiel de sélectionner des nanosystèmes permettant cette libération prolongée. On sait, par exemple, que lors de l’utilisation de nanosystèmes de très petite taille il y a le risque d’une libération rapide et excessive du contenu médicamenteux avec une toxicité aiguë et l’impossibilité d’obtenir une libération prolongée dans le temps. Ce problème peut-être supprimé en utilisant des systèmes de taille plus importante qui permettent à la fois d’incorporer plus de principe actif et d’obtenir une libération progressive du principe actif.

Malgré ces nombreux aspects prometteurs, tout n’est cependant pas réglé dans l’utilisation des nanotransporteurs en thérapeutique humaine. Par exemple, le risque d’accumulation des éléments constituant les biosystèmes pourrait poser un problème à long terme. La qualité de la stabilité de ces préparations doit également être acquise, il faut en effet s’assurer que des changements de nature physicochimique qui conduiraient à des modifications de l’efficacité et/ou de la toxicité de ces nanosystèmes, ne puissent pas survenir durant leur conservation. Les essais effectués à ce jour ne concernent que l’inclusion d’un seul antirétroviral dans un nanotransporteur donné, la prise en charge thérapeutique de l’infection à VIH faisant appel à des associations de plusieurs principes actif, il faut s’assurer que cela est techniquement possible, sinon cela réduirait en partie l’utilisation de ce type de formulation.

Enfin, la production d’un nanosystème multi-cibles pour augmenter la spécificité de sa distribution va probablement augmenter la complexité de sa formulation et augmenter son coût de production.