Tabac — Un nouveau vaccin anti-nicotine : fera-t-il mieux que les précédents ?

Cet article a été publié dans le Swaps n°69. Il rend compte du premier colloque commun Cnam/AIDES/vih.org organisé le 29 novembre 2012 au Conservatoire National des Arts et Métiers.à Paris.

Les précédents vaccins fondés sur l’utilisation d’un haptène (grosse molécule captant la nicotine afin qu’elle soit reconnue par le système immunitaire, qui fabrique ensuite des anticorps anti-nicotine) n’ont guère donné de résultats concluants chez l’homme jusqu’à présent (voir la déclaration de Nabi Biopharmaceuticals en novembre 2011 à propos de l’échec de l’essai de phase III. Ce nouveau type de vaccin, fondé sur une thérapie génique (on « injecte » un gène qui va s’installer dans le foie et fabrique directement les anticorps anti-nicotine) serait, selon ses auteurs, un meilleur candidat pour l’aide à l’arrêt du tabac. Cependant, on connaît le rôle critique joué par la vitesse d’arrivée de la nicotine au cerveau, qui fait que la cigarette est particulièrement addictive. Si ce nouveau vaccin doit démontrer une efficacité chez l’homme, il faudra qu’il soit capable de capter la majeure partie de la nicotine le plus rapidement possible. Or, dans l’étude de Hicks et al. réalisée chez la souris, la nicotine libre (non fixée par les anticorps) dans le sang ou le cerveau, 1 minute après l’injection (intraveineuse de 0,8 g de nicotine, l’équivalent de 2 cigarettes selon les auteurs), était de l’ordre de 15% de la dose. Il reste donc à savoir si, cependant, cette faible quantité n’est pas suffisante pour produire des effets renforçateurs. Il faut se rappeler qu’une étude de Brody et al. (Int J Neuropsychopharmacol. 2008) a montré que des cigarettes dénicotinisées, ne contenant que 0,05 mg de nicotine, permettaient d’obtenir une occupation des récepteurs nicotiniques cérébraux de l’ordre de 30%. Ce qui est loin d’être négligeable et qui explique, au moins en partie, pourquoi ces cigarettes suppriment le craving. Compte tenu de la capacité de compensation du fumeur (modification de la façon de fumer), il n’est pas exclu que même avec seulement 15% de la nicotine absorbée, celle-ci soit en mesure de produire un effet capable d’entretenir ou de créer une dépendance.

Ce nouveau vaccin est le bienvenu, car, s’il démontre son efficacité chez l’homme, il sera une nouvelle arme contre la dépendance au tabac. Reste encore à savoir quelle sera son utilisation : l’arrêt, la prévention de la rechute ou encore la prévention de l’initiation ? Les mêmes questions se posent qu’avec les vaccins précédents, sauf que, cette fois, s’il démontre son efficacité, il ne sera pas nécessaire de réactiver la production d’anticorps, car il s’agit d’une thérapie génique qui devrait se maintenir dans le temps, sans nécessiter d’injections de rappel.

Références

Cet article reprend un abstract paru dans la Lettre de la Société française de tabacologie n°31

Hicks MJ, Rosenberg JB, De BP et al.
AAV-directed persistent expression of a gene encoding anti-nicotine antibody for smoking cessation.
Sci Transl Med. 2012 Jun 27;4(140):140ra87.13

Brody AL, Mandelkern MA, Costello MR et al.
Brain nicotinic acetylcholine receptor occupancy: effect of smoking a denicotinized cigarette.
Int J Neuropsychopharmacol. 2009 Apr;12(3):305-16.