Cohorte VISCONTI : 14 patients contrôlent leur infection VIH plus de sept ans après l’arrêt de leur traitement

Une nouvelle publication scientifique rapporte les cas de 14 patients adultes contrôlant leur infection VIH plus de sept ans après l’arrêt de leur traitement. Après la description début mars d’un bébé en état de «rémission fonctionnelle», la cohorte ANRS EP 47 « VISCONTI » confirme, sur un nombre plus grand de patients et sur une période plus étendue, le rôle déterminant d’une intervention thérapeutique précoce pour induire un contrôle de l’infection VIH. Ces résultats peuvent avoir d’importantes implications dans la recherche de stratégies qui visent à éradiquer l’infection ou tout au moins à induire un contrôle stable et durable de l’infection sans traitement.

Jeudi, 14 Mars, 2013 (Paris, France) — Une étude française publiée aujourd’hui dans PloS Pathogens décrit les cas 14 patients VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. positifs traités très précocement après l’infection et qui, 7,5 ans après arrêt des antirétroviraux, contrôlent leur infection (cohorte ANRS EP47 VISCONTI). Après la description début mars d’un bébé en état de « rémission fonctionnelle », ces résultats confirment, sur un nombre plus grand de patients et sur une période plus étendue, le rôle déterminant d’une intervention thérapeutique précoce pour induire un contrôle de l’infection VIH. Ces résultats peuvent avoir d’importantes implications dans le domaine de la recherche («HIV Cure»).

Très tôt après l’infection, le VIH a la capacité de se cacher sous forme latente dans certaines cellules immunitaires dont la durée de vie est très longue, permettant ainsi au virus de persister même après des années de traitement. Ces «réservoirs» expliquent la résurgence très rapide de la virémie dès que la prise d’antirétroviraux est interrompue chez la majorité des patients.

Cette étude rapporte des cas de patients traités très tôt en primo-infectionPrimo-infection Premier contact d’un agent infectieux avec un organisme vivant. La primo-infection est un moment clé du diagnostic et de la prévention car les charges virales VIH observées durant cette période sont extrêmement élevées. C’est une période où la personne infectée par le VIH est très contaminante. Historiquement il a été démontré que ce qui a contribué, dans les années 80, à l’épidémie VIH dans certaines grandes villes américaines comme San Francisco, c’est non seulement les pratiques à risques mais aussi le fait que de nombreuses personnes se trouvaient au même moment au stade de primo-infection. et à même de contrôler leur réplication virale après une longue interruption du traitement.  Ces cas ont été observés en France par les Dr Laurent Hocqueloux et Thierry Prazuck, à l’Hôpital Orléans-La Source, ainsi que dans la cohorte ANRS CO 06 PRIMO (cette cohorte permet de suivre sur le long terme des patients nouvellement infectés). En 2009, l’ANRS a décidé de constituer et de financer une équipe multidisciplinaire de chercheurs et d’établir une cohorte de patients « contrôleurs après traitement » afin de mieux comprendre leurs caractéristiques et de définir les mécanismes de ce contrôle.

La cohorte ANRS EP 47 VISCONTI (Viro-Immunologic Sustained COntrol after Treatment Interruption) est constituée de 14 patients. Ils ont tous été diagnostiqués au cours de leur primo-infection (dans les 10 semaines après infection) et ont immédiatement bénéficié d’une thérapie antirétrovirale sur une période médiane de 3 ans avant d’arrêter toute prise d’antirétroviraux. L’étude ANRS EP 47 VISCONTI est coordonnée par la Prof. Christine Rouzioux (Hôpital Necker et Université Paris Descartes), membre de l’équipe ayant identifié le VIH en 1983, et le Dr. Asier Sáez-Cirión (Institut Pasteur), chercheur dans le laboratoire du Pr. Françoise Barré-Sinoussi, co-découvreuse du VIH et Prix Nobel de médecine en 2008.

Plusieurs leçons peuvent être tirées de l’analyse des caractéristiques immunologiques et génétiques de ces patients. Des données préliminaires présentées l’année dernière par Charline Bacchus (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Unité InsermInserm Institut national de la recherche médicale. U945, Paris), à Washington, à l’occasion de la XIXème Conférence internationale sur le SidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. montraient que le niveau des réservoirs viraux des patients de la cohorte ANRS EP 47 VISCONTI était très faible et comparable à celui des patients contrôlant naturellement le VIH (ces rares patients qui n’ont jamais été traités, demeurent asymptomatiques et contrôlent spontanément la réplication virale pendant de nombreuses années)[1].

«Contrôleurs après traitement»

Les résultats publiés dans PloS Pathogens aujourd’hui montrent une diminution du nombre de cellules infectées circulant dans le sang de certains de ces patients «contrôleurs après traitement», au cours des 4 dernières années malgré l’absence de tout traitement. Cette diminution du niveau du réservoir viral chez ces individus qui maintiennent une virémie parfaitement contrôlée confirme ce nouveau concept de «rémission fonctionnelle». «Le traitement précoce a probablement limité l’extension des réservoirs viraux, et préservé les réponses immunitaires. Cette combinaison a certainement pu favoriser le contrôle de l’infection après l’arrêt du traitement», explique le Pr Rouzioux.

Une étude présentée la semaine dernière à Atlanta à l’occasion de la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. (Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections) décrivait le cas d’un bébé infecté in utero qui, ayant un reçu un traitement 30 heures après sa naissance pendant 18 mois, contrôlait encore l’infection 6 mois après l’arrêt des antirétroviraux. «Comme dans le cas de ce bébé, la mise sous traitement très précoce ne nous permet pas d’évaluer si les patients de la cohorte ANRS EP 47 VISCONTI n’auraient pas contrôlé spontanément leur infection. Néanmoins, la plupart d’entre eux ne présentent ni les caractéristiques génétiques favorables ni le même type de réponses immunitaires qui sont habituellement observées chez les contrôleurs naturels du VIH. Par ailleurs, alors que chez les contrôleurs du VIH le contrôle viral est observé dès la primo-infection, la plupart des patients VISCONTI était fortement symptomatiques durant cette période avec une quantité de virus dans le sang élevée, comparable à celle des patients qui ne contrôlent pas l’infection à l’arrêt du traitement», affirme le Dr Sáez-Cirión.

Les résultats de l’étude ANRS EP 47 VISCONTI et ceux observés chez le bébé plaident fortement en faveur d’une initiation précoce du traitement antirétroviral. En termes de recherche, ils peuvent s’avérer importants pour développer des stratégies visant à l’éradication du VIH ou, a minima, à obtenir un contrôle stable et durable de l’infection en l’absence de traitement antirétroviral. «Les travaux actuels visent à comprendre pourquoi une fraction seulement des patients traités en primo-infection sont capables de contrôler leur infection après arrêt des médicaments et quels sont les mécanismes en jeu. Une cohorte européenne de patients «contrôleurs après traitement» coordonnée par l’ANRS débutera dans les prochains mois», indique le Pr. Jean-François Delfraissy, Directeur de l’ANRS.