CROI 2012 — Une CROI comme rêve d’espérance

Le Pr Gilles Pialoux est à la CROI 2012, qui se tient cette année à Seattle, du 5 au 8 mars, et coordonne le E-journal en direct de la CROI 2011 pour La Lettre de l’infectiologue.

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Nous voici donc à Seattle, au Washington State Convention Center, pour cette 19e Conférence sur les Rétrovirus et les Infections Opportunistes (CROI) du 5 au 8 mars 2012. On notera, au passage, la mention totalement implicite de «américaine» pour le signe de cette conférence, américaine. Cela allant de soi.

Dix neuf ans, déjà. Et l’inverse d’une intimité. On est là, quelques milliers, dans un Grand-Est américain sans aucun intérêt intrinsèque, pour un double rendez-vous obligé. Celui que nous offre —c’est un euphémisme— l’Amérique du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. et le rendez-vous bien à nous, français de la découverte du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. nobélisée et des «fromages qui puent».

Habitués que vous êtes, lecteurs assidus de cet e-journal, on pressent de vous l’attente des plaisanteries d’usage avant l’opening session: des bas de contention dus au vol de 10 heures au jet-lag, des tenues espérées de Valérie Martinez au désinvestissement français de Abercrombie, désormais ouvert sur «la plus belle avenue du Monde», du duel The Artist versus Intouchables sur les écrans de siège d’Air France, du rapport entre l’offre de vins et autres boissons sur le vol AF 306 et la longitude prostatique des sidénologues plus que quinqua et genrés XY…

Las, de cet humour-là, que nenni! Cette année c’est la crise… Et pas uniquement la crise économique. Tout d’abord à Seattle comme à Paris, c’est campagne électorale. Des campagnes électorales où la lutte contre le sida n’est nullement, ou pas encore, invitée. Ni ici, ni là-bas. Pas plus qu’elle ne l’était, d’ailleurs, aux derniers G8 ou G20.

Pire encore, dans les jours qui suivent la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2012, ce sera changement de décor aux Fonds Mondial avec le départ tant annoncé de son directeur exécutif, Michel Kazatchkine, et l’attente douloureuse, autant que silencieuse, du rang 11 de financement.

Et puis on feindrait de l’oublier, mais ce programme, fusse t-il encore «pocket» est, plus encore cette année, une bannière étoilée à lui tout seul. Si l’on excepte une session hispanisante sur les hépatites (Session 16), quelques strapontins offerts au transalpininisme, tout est 100% US! Sans compter l’omniprésence, par ses financements, du nouveau «ministre de la santé» mondial, Bill Gates. Même les sessions sur les Pays en voie de développement sont 100% US, ou presque.

Comme une illustration que, passées les agapes du Nobel et des premières années du Fonds Mondial, tout est en place pour une pepfarisation* totale des financements et de lutte contre le sida. Où le principal contributeur serait aussi le «principal» tout court, sifflant la fin de la récréation de cette mondialisation.

Et puis il est des trajets vers la CROI comme rêve d’espérance. Assoupi par la minéralité du Viré-Clessé 2008 et de celle d’Audrey Tautou (à l’écran), je me prends a rêver au retour. Pas celui sur Air France mais le vrai. La confrontation, parfois complexe, avec les patients en consultation. Dont certain ont même subi l’attente des 18 CROI précédentes… Le rêve de pouvoir leur dire : oui, il y a du nouveau; oui, on l’a tient la piste de l’éradication; oui, on a des molécules combo injectables une fois par mois, oui les nouveaux outils de prévention sont coût-efficace, oui on a rejoint le modèle «guérison» de l’hépatite C … Une main féminine sur mon épaule : «Réveillez-vous, Monsieur, on atterrit.»