Une taxe taxée de folie utopiste ou une taxe vertueuse ? Au G20 de décider…

Pendant des années, des économistes, des politiques, des responsables d’institutions financières ont expliqué que l’instauration d’une taxe sur les transactions financières était impossible et dangereuse. Aujourd’hui, alors que les pays les plus riches de la planète sont étranglés par le poids de leur endettement, l’idée de cette taxe semble séduire. La Commission Européenne est prête, tout comme la France, l’Allemagne, le Brésil, la Norvège ou encore l’Afrique du Sud.

Pendant des années, des économistes, des politiques, des responsables d’institutions financières ont expliqué que l’instauration d’une taxe sur les transactions financières était impossible et dangereuse. Aujourd’hui, alors que les pays les plus riches de la planète sont étranglés par le poids de leur endettement, l’idée de cette taxe semble séduire. La Commission Européenne est prête, tout comme la France, l’Allemagne, le Brésil, la Norvège ou encore l’Afrique du Sud. Ce n’est pas sans ironie que les organisations de solidarité internationale observent l’évolution des positions vis-à-vis d’une taxe qui, rien qu’en France, rapporterait 12 milliards d’euros par an et plus de 260 milliards d’euros si tous les pays du G20 la mettaient en place . Ces recettes fabuleuses s’expliquent par des taux différenciés en fonction du caractère spéculatif des échanges financiers lesquels s’élèvent à plusieurs centaines de milliards de dollars par jour : plus une transaction financière est spéculative, plus elle sera taxée. Il s’agit d’une taxe morale.
Ce n’est pas sans ironie non plus que nous avons vu évoluer les affectations possibles de cette taxe ; étrangement, lorsque nous proposions d’en affecter le produit à l’aide au développement et à la lutte contre le changement climatique, cette taxe était taxée de folie utopiste. Aujourd’hui, alors qu’il pourrait être décidé de l’affecter aux désendettements des pays riches, cette taxe semble être raisonnable, voire vertueuse !
Lorsque Sidaction, avec des dizaines d’autres ONG, a défendu cette taxe, aussi appelée Taxe Robin des bois , il s’agissait en effet de prendre aux « riches », pour donner aux « pauvres », afin d’atteindre les objectifs du millénaire pour le développement.
Très concrètement aujourd’hui, avec les conséquences d’une crise économique qui ne fait que durer, les pays riches réduisent leur aide publique au développement. Cela se paiera en millions de vies humaines que l’on ne pourra pas sauver, par exemple en ne finançant pas le Fonds mondial de lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. la tuberculose et le paludisme, trois maladies parmi les plus tueuses dans le monde. Sidaction est déjà témoin, dans de nombreux pays, de la baisse des ressources disponibles pour poursuivre l’élan de l’accès universel aux traitements anti-VIH.
Mais nous devons nous rendre à l’évidence, sauver des vies dans des pays à ressources limitées semble bien moins important que conserver son triple AAA… Et puis, les malades des pays pauvres ne votent pas… ou tout au moins ne votent pas pour les dirigeants des pays riches qui les ignorent ; ces mêmes dirigeants qui décidément ne parviennent pas à tenir leurs promesses années après années. Taxer la spéculation, c’est pourtant le moyen de donner au monde entier une ambition de justice dans une mondialisation qui effraie tant. Taxer la spéculation, c’est augmenter les moyens financiers de l’aide au développement tout en ne la faisant supporter par les seuls contribuables. Taxer la spéculation, c’est faisable, tout le monde en convient aujourd’hui, cela permettrait de générer des ressources prévisibles et durables. La prévisibilité des ressources est un aspect essentiel de l’aide en santé, car il faut savoir combien de malades l’on pourra décider de mettre sous traitement. Le taux envisagé sera minuscule mais appliqué à l’immensité des transactions financières quotidiennes, ce qui fait que chaque année cette taxe générera avec certitude les moyens durables et nécessaires à changer notre monde, allonger l’espérance de vie dans les pays les plus pauvres, permettre aux enseignants d’enseigner, aux médecins de soigner, etc.
Certes, les ressources financières seules ne permettront pas de changer la vie des plus pauvres, des plus malades d’entre nous sur la planète. Mais sans ces ressources, nous ne changerons pas notre monde.
Sans ironie cette fois, nous demandons une nouvelle fois aux dirigeants des pays du G20 d’oser. Aujourd’hui, le plus grand risque que pourraient prendre ces dirigeants réunis autour de M. Nicolas Sarkozy, c’est bien de ne plus prendre aucun risque. Si demain, les mêmes dirigeants lancent et mettent en place la taxe sur les transactions financières et affectent son produit aux objectifs du millénaire pour le développement, il est bien possible qu’ils soient 20 à recevoir le prix Nobel de la paix dans quelques années.

Retrouvez cet article dans le journal « Le Monde » daté du 2 novembre 2011
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/02/le-g20-doit-mettre-en-place-une-taxe-sur-les-transactions-financieres-et-l-affecter-aux-pauvres_1596943_3232.html

SOURCES :
Taxe sur les transactions financières : mode d’emploi en France / 99 Partners Advisory (Paris, France) ; K ELOUARDIGHI ; P ARMOUDOM ; F MARTEL ; P DOUSTE-BLAZY / 2011

http://www.taxerobindesbois.org/