Dépistage – expérience — CheckPoint-Paris : un dispositif fonctionnel, attractif et informatif

CheckPoint-Paris est un dispositif de dépistage IH « hors les murs», utilisant des tests rapides et s’adressant à des hommes majeurs, assurés sociaux ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Premiers résultats et bilan intermédiaire d’une expérience positive à plus d’un titre.

Cet article fait partie du Transcriptases n°145, consacré au Plan national de lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. français 2010-2014.

Cette recherche bio-médicale1Autorisation Afssaps du 17 octobre 2008 et CPP Ile-de-France V 4 novembre 2008 (RBM), qui a démarré le 28 janvier 2010, répond aux plus récentes recommandations sur le dépistage du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. en France2Conseil national du sida, «Rapport sur l’évolution du dispositif de dépistage de l’infection par le VIH en France», Paris, 2006. Haute autorité de santé, «Dépistage de l’infection par le VIH en France. Modalités de réalisation des tests de dépistage», argumentaire, Paris, octobre 2008. 
Lert F et Pialoux G, «Rapport mission RDRS», rapport à la DGS, 2009. 
Yeni P (dir.), «Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH», Paris, La Documentation française, 2010

Situé dans le Marais, dans une boutique ouverte sur la rue3CheckPoint, 36 rue Geoffroy l’Asnier, 75004 Paris, tél. : 01 44 78 24 44. M° Saint Paul (Ligne 1) ou Pont Marie (Ligne 7). Ouvertures, lundi : 8h-12h30 sans rdv ; mardi : 16h-20h30 sur rdv ; mercredi : 16h-22h sans rdv ; jeudi : 16h-20h30 sur rdv ; samedi : 12h-18h sans rdv, CheckPoint est inséré dans un ensemble de services déclinés sur le thème de la santé et de la prévention du VIH/sida par son promoteur, l’association Kiosque Infos Sida et Toxicomanie (Groupe SOS). CheckPoint est ouvert cinq jours par semaine, avec ou sans rendez-vous4CheckPoint, 36 rue Geoffroy l’Asnier, 75004 Paris, tél. : 01 44 78 24 44. M° Saint Paul (Ligne 1) ou Pont Marie (Ligne 7). Ouvertures, lundi : 8h-12h30 sans rdv ; mardi : 16h-20h30 sur rdv ; mercredi : 16h-22h sans rdv ; jeudi : 16h-20h30 sur rdv ; samedi : 12h-18h sans rdv. Gratuites et confidentielles, les consultations de dépistage VIH sont assurées par des professionnels de santé qui réalisent les prélèvements par piqûre au bout du doigt, puis font le test rapide VIH (Vikia® HIV 1/2, BioMérieux). Le résultat est rendu dans l’heure, systématiquement assorti d’entretiens pré- et post-test avec un médecin. En cas de test rapide positif, un autre prélèvement sur buvard est réalisé pour une confirmation5La confirmation de positivité VIH obtenue par le test rapide Vikia® HIV 1/2 est effectuée à partir du prélèvement sur papier buvard, par le test ELISA VIDAS Duo HIV1/2 Ag/Ac, puis par le test Eurobio SD HIV1 HIV2, puis par le test de Western-Blot HIV-1 ou Western-Blot HIV-2, selon le résultat du test Eurobio SD envoyée au laboratoire de biologie médicale du Chemin Vert, partenaire de l’étude. Un rendez-vous est pris dans les 24 à 72 heures pour l’annonce du résultat de confirmation ; en cas de positivité, la personne est conseillée, informée et orientée vers une prise en charge médicale rapide.

Saturé depuis son ouverture

En moins d’un an, du 28 janvier au 15 décembre 2010, 2054 personnes en première visite ont été dépistées. Plus de 220 ont consulté au moins une deuxième fois, avec environ 200 nouveaux consultants inclus chaque mois dans le dispositif. L’objectif initial de 2160 personnes dépistées en un an sera sans doute dépassé. Le dispositif fonctionne à saturation depuis son ouverture. Les personnes choisissent CheckPoint parce que le résultat est rendu lors de la même visite (78%), que c’est un service associatif destiné aux HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  (43%), que les horaires sont pratiques (39%) et qu’il n’y a pas de prise de sang (28%). Ils souhaitent faire un test pour connaître ou vérifier leur statut sérologique (84%) et/ou parce qu’ils ont eu des rapports sexuels sans préservatif (43%)6Analyse intermédiaire des questionnaires sur les quatre premiers mois de fonctionnement (28 janvier-31 mai 2010).

Du 28 janvier au 5 octobre 2010, parmi les 1594 personnes dépistées, 30 cas de séropositivité VIH ont été confirmés, soit une fréquence de 1,88% [IC95 = 1,21-2,55], similaire à l’estimation des dépistages positifs chez les gais et bisexuels en CDAG, en 2004.

Ces hommes découverts séropositifs ont un âge médian de 30 ans [20-47]. Ils déclarent être homosexuels (87%), avoir un partenaire stable (67%) et des partenaires de rencontre (77%). Avec ces partenaires, ils mentionnent avoir eu des pratiques sexuelles non protégées au cours des douze derniers mois.

Un tiers de primo-infections

Les tests rapides ont été facilement réalisés et aucun n’a été illisible. Tous les résultats positifs ont été confirmés par les deux méthodes Elisa. De plus, la technique de Western-Blot HIV1 a révélé des profils de séropositivité très incomplets (moins de 5 anticorps anti-VIH-1), en faveur d’infections très récentes.

Parmi les 30 personnes séropositives pour le VIH-1 (aucun VIH-2), 17 présentent une contamination de moins de 2 mois, dont 10 ont un profil sérologique de primo-infectionPrimo-infection Premier contact d’un agent infectieux avec un organisme vivant. La primo-infection est un moment clé du diagnostic et de la prévention car les charges virales VIH observées durant cette période sont extrêmement élevées. C’est une période où la personne infectée par le VIH est très contaminante. Historiquement il a été démontré que ce qui a contribué, dans les années 80, à l’épidémie VIH dans certaines grandes villes américaines comme San Francisco, c’est non seulement les pratiques à risques mais aussi le fait que de nombreuses personnes se trouvaient au même moment au stade de primo-infection. en cours. Parmi elles, seules trois primo-infections étaient suspectées par le médecin CheckPoint, les sept autres personnes ne présentant pas de signes cliniques d’alerte. Les trois-quarts (76%) des primo-infections détectées dans CheckPoint sont asymptomatiques (contre 13% dans la cohorte ANRS-Primo), ce qui suggère que CheckPoint permet de détecter des personnes en primo-infection qui ne consultent pas dans le système médical traditionnel de dépistage7Ghosn J et al., «Despite being highly diverse, immunovirological status strongly correlates with clinical symptoms during primary HIV-1 infection : a cross-sectional study based on 674 patients enrolled in the ANRS CO 06 PRIMO cohort», J. Antimicrob Chemotherapy 2010, 65, 741-748.

Pour 11 personnes, le dernier test VIH remontait à moins de 12 mois (dont pour deux personnes un test déjà effectué à CheckPoint dans les 6 mois). Trois personnes présentaient des profils WB complets, ce qui s’avère cohérent avec le fait que leur dernier test datait de plus d’un an, 8 ans et 10 ans.

Enfin, 80% des personnes dépistées positives sont entrées dans le système de soins.

Epidémie dynamique chez les gays parisiens

Au-delà de ses objectifs initiaux, cette recherche biomédicale permet de disposer d’informations précieuses, issues de l’analyse des examens de confirmation de séropositivité :

1 – le test rapide utilisé dans les conditions de l’étude CheckPoint permet la détection de primo-infections et d’infections très récentes. Le test rapide utilisé se révèle donc sensible et spécifique, et n’a pas posé de difficultés d’utilisation ;

2 – le dispositif est attractif pour des sujets récemment exposés au VIH, ne consultant pas un médecin et présentant une primo-infection, dans une proportion particulièrement importante (>50%). Il permet de diagnostiquer une fréquence notable de formes asymptomatiques de primo-infections, peu observées habituellement en systèmes de soins ;

3 – diagnostiquer des infections récentes, voire très récentes est relativement logique s’agissant d’une population ayant très souvent recours au test7 – 8Dans l’échantillon intermédiaire, 70% des consultants ont fait plusieurs tests au cours de leur vie contre 14% qui n’en ont jamais fait ; parmi les consultants déjà testés, 56% l’ont été au cours des 12 derniers mois. A l’inverse, la probabilité de diagnostiquer une fréquence élevée d’infections anciennes est relativement plus faible.

4 – la forte proportion d’infections très récentes confirme le haut niveau de l’épidémie actuelle de VIH dans cette communauté gay parisienne, bien qu’il ne s’agisse pas des sujets parmi les plus exposés : la majorité d’entre eux n’évolue pas dans les subcultures gaies fondées sur l’intensité et l’aventurisme sexuel9Hurley M, «VIH, santé sexuelle et cultures gaies contemporaines», in Jablonski O, Le Talec JY et Sidéris G (dir.), Santé gaie, Paris, Pepper et L’Harmattan, 2010, 117-142, plus de la moitié ne fréquente jamais les lieux de sexe communautaires, plus de 40% ne consomment aucune drogue.

Jeunes, diplômés, attentifs à leur sérologie

Les pistes de réflexion permettant d’expliquer ce résultat remarquable doivent prendre en considération la convergence du rajeunissement de l’épidémie chez les homosexuels masculins10Cazein F et al., «Surveillance de l’infection à VIH-sida en France, 2009», BEH 2010, no 45-46, 467-472 et de l’attractivité de ce dispositif associatif et médicalisé pour un public d’HSH jeunes (médiane : 29 ans), très diplômés (60% possèdent un diplôme équivalent ou supérieur au 2e cycle universitaire), peu engagés dans les cultures sexuelles extrêmes, attentifs à leur statut sérologique, mais déclarant des pratiques sexuelles non protégées dans une proportion comparable à celles mises en évidence dans d’autres enquêtes de surveillance11Velter A, Rapport Enquête Presse Gay 2004 ; Velter A, données du Baromètre Gay 2009, communication personnelle. Ces pistes seront développées et confrontées aux résultats d’analyse des données recueillies après la première année de fonctionnement du dispositif.

Soutien et conseil

En conclusion, le dispositif CheckPoint répond aux attentes des homosexuels et HSH résidant en Ile-de-France, s’avère attractif et adapté à leurs besoins (rapidité, horaires) puisqu’il fonctionne à saturation depuis son ouverture. Il attire en majorité des hommes autour de la trentaine, diplômés et aisés, ayant souvent recours au dépistage du VIH ; il attire également une minorité d’hommes plus jeunes n’ayant jamais eu recours au test VIH (un quart des moins de 25 ans). Il assure, lors d’une même consultation, un counseling pré-et post-test, dans un cadre d’écoute, de confidentialité et de non-jugement, et permet un dépistage rapide du VIH assorti de son résultat dans l’heure, selon une organisation validée par l’expérience. La consultation médicalisée, qui s’inscrit dans un lien social codifié, consensuel, professionnel, présente un caractère structurant.

CheckPoint contribue à accroître la proportion d’infections à VIH diagnostiquées dans la population des HSH. Il offre aux personnes confirmées séropositives des services de soutien et de conseils et permet de les orienter vers une prise en charge médicale immédiate. Il assure aux personnes testées séronégatives une information et des conseils préventifs adaptés, ainsi que la possibilité d’un dépistage complémentaire d’autres ISTIST Infections sexuellement transmissibles.  CheckPoint constitue une offre de dépistage s’intégrant dans les recommandations récentes sur le dépistage de l’infection à VIH, et répondant aux orientations stratégiques du Plan national.

Une expérience à pérenniser et élargir

CheckPoint mérite à l’évidence d’être poursuivi au moins dans le cadre du nouveau dispositif national de droit commun. Il paraît indispensable d’élargir les horaires d’ouverture vu le nombre important de personnes refusées chaque semaine. Cette première recherche a été financée par Sidaction, l’Agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) et la Mairie de Paris.

Si CheckPoint est habilité à entrer dans le dispositif de droit commun, l’ARS devrait financer l’intégralité du dispositif. De plus, il devient nécessaire de réfléchir à élargir le dispositif vers d’autres publics, notamment vers les migrants avec la capacité de réaliser des entretiens pré et post test dans une langue qui peut être comprise et en relation avec les réseaux aptes à accompagner le public cible (associations, psy, travailleurs sociaux, etc.).

Les résultats très alarmants sur l’épidémie de VIH chez les HSH en Ile-de-France, avec un nombre élevé d’infections récentes, très à risque de transmission sexuelle, confirme l’urgence du renforcement des offres de dépistage, d’informations et de conseils vers des populations particulièrement exposées. 

Par Christine Rouzioux, CHU Necker, AP-HPAP-HP Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Université Paris Descartes, Jean-Yves Le Talec, Université Toulouse 2, Certop UMR 5044, Arpège MSHS, Georges Kreplack, Laboratoire du Chemin Vert (Paris), Nicolas Derche et Pierre Tessier, Le Kiosque Infos Sida (Paris), Anne Guérin, Arcat-Sida (Paris), pour le Groupe CheckPoint.