Virologie — Différents mécanismes expliquent la présence du VIH dans le tractus génital

Une étude américaine met en valeur différents processus expliquant la pénétration du VIH dans le compartiment anatomique du tractus génital masculin. Un sujet important, puisque le VIH présent dans le sperme est à l’origine de la majorité des cas de transmission par voie sexuelle.

Dans cet article publié intituléHIV-1 Populations in Semen Arise through Multiple Mechanisms, les auteurs se sont intéressés au mécanisme de transmission du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. à partir du compartiment sanguin vers le tractus génital masculin. Pour cela ils ont caractérisé génétiquement les virus présents dans le sang et les virus présents dans le sperme. Il est en effet très important de connaître l’origine de ces virus puisqu’il est clairement établi que les virus VIH présents dans le sperme sont une source de contamination et sont à l’origine de la majorité des cas de transmission par voie sexuelle. De plus la présence de cellules CD4+ a été mise en évidence dans le tractus génital, ce qui signifie que des cellules cibles du VIH sont bien présentes dans ce compartiment anatomique et que le virus est capable d’y répliquer.

Ce travail a mis en évidence l’existence de plusieurs mécanismes de transmission aboutissant à la présence du VIH dans le tractus génital masculin.

Technique

Pour pouvoir répondre à cette question, des prélèvements appariés de sang et de sperme ont été obtenus à partir de patients chroniquement infectés par le VIH. Il est évidemment indispensable de disposer des deux types de prélèvements : sang et sperme recueillis au même moment chez un même individu pour pouvoir comparer les populations virales présentes dans ces 2 compartiments. Seize patients ont été inclus dans cette étude, ils étaient tous naïfs de traitement antirétroviral, 12 étaient infectés par du VIH-1 de sous-type C et 4 par du VIH-1 de sous-type B.

Afin d’obtenir les séquences des VIH, les auteurs ont utilisés une technique dite de « single genome amplification » (SGA). Cette technique correspond à une dilution limite des produits d’amplification de PCRPCR "Polymerase Chain Reaction" en anglais ou réaction en chaîne par polymérase en français. Il s'agit d'une méthode de biologie moléculaire d'amplification d'ADN in vitro (concentration et amplification génique par réaction de polymérisation en chaîne), utilisée dans les tests de dépistage. permettant d’obtenir un long fragment de génome issu d’un virus clonal. Ainsi, cela permet d’éviter les phénomènes de recombinaison génétique qui peuvent survenir in vitro au cours des réactions d’amplification par PCR et par delà rendre difficile l’interprétation des relations génétiques entre les différentes séquences analysées. En moyenne, 27 séquences virales ont été analysées pour chaque patient dans chaque compartiment.

Des arbres phylogénétiques ont ensuite été construits pour pouvoir analyser les relations entre les différentes séquences virales isolées chez un patient donné.

Trois types de représentation

L’analyse de ces arbres phylogénétiques a permis de mette en évidence 3 types de représentation :

1) Mécanisme 1 : les séquences virales présentes dans le sang et dans le sperme sont équilibrées, c’est à dire qu’il existe une grande diversité des séquences dans les deux compartiments sang et sperme. Ce cas de figure a été retrouvé chez 3/16 patients de l’étude.

2) Mécanisme 2 : Une population virale est présente dans le sperme en proportion beaucoup plus importante que dans le sang, conséquence d’une sélection et de l’amplification d’une population virale spécifique. Ce cas de figure a été décrit pour 8/16 (50%) patients de l’étude.

3) Mécanisme 3 : Les virus présents dans le sang et dans le sperme sont très nettement distincts avec l’existence d’un branchement séparant bien les séquences issues des 2 compartiments. Ce cas de figure a été retrouvé chez 5 patients de l’étude.

Ceci a permis de conduire à l’élaboration de 3 mécanismes distincts permettant de décrire l’origine des populations virales VIH présentes dans le sperme.

Le cas n°1 correspond à une importation directe du virus du sang vers le tractus génital.

Le cas n°2 correspond à une amplification en un seul clone d’une population virale donnée à l’intérieur du tractus génital. Ce mécanisme est majoritaire chez les patients décrits dans cette étude.

Le cas n°3 définit une compartimentalisation avec une évolution distincte du virus avec réplication indépendante et autonome à l’intérieur du tractus génital.

Divergence génétique et temps

Dans une seconde partie de leur travail les auteurs ont cherché à estimer le temps depuis lequel les séquences virales présentes dans le sang et les séquences virales présentes dans le sperme avaient divergé génétiquement. Dans le groupe des 8 patients pour lesquels le virus VIH présent dans le sperme résulte principalement d’un mécanisme d’amplification oligoclonale (mécanisme n°2 décrit ci-dessus) ce temps à été estimé à une moyenne de 57 jours, indiquant une divergence récente des virus présents dans le sperme par rapport aux virus plasmatiques. Inversement, les patients (n = 5) dont les virus VIH détectés dans le sperme témoignent d’une compartimentalisation, la divergence des séquences virales entre les 2 compartiments est estimée beaucoup plus lointaine, en moyenne à 5 ans.

Une dernière partie de leur travail a porté sur l’analyse de l’environnement immunologique présent dans le compartiment du tractus génital masculin, avec pour objectif de déterminer si le plasma séminal présente un profil immunologique distinct de celui du compartiment sanguin. Pour cela, ils ont mesuré le niveau de 19 cytokines et chemokines dans les prélèvements appariés de sperme et de sang chez les patients de l’étude. Aucune des cytokines testées ne corrèle avec un mécanisme donné de transmission du VIH dans le sperme (amplification ou compartimentalisation). De plus, aucune corrélation n’a été retrouvée entre le niveau des cytokines et la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. VIH-1 plasmatique, le mécanisme de transmission du VIH dans le sperme, ou la présence d’infections sexuellement transmissibles asymptomatiques détectées chez 5 des patients. De manière globale, il est observé un enrichissement en cytokines et chemokines du tractus génital facilitant la réplication virale dans ce compartiment.

Mécanismes de transmission

En résumé, ce travail décrit 3 mécanismes de transmission du virus VIH à partir du plasma vers le tractus génital masculin :

Mécanisme 1 : Transfert direct de virus sans réplication dans le tractus génital correspondant à un équilibre des populations virales entre les 2 compartiments.

Mécanisme 2 : Infiltration dans le tractus génital de cellules CD4+ infectées, générant ainsi un foyer local d’infection permettant une amplification clonale d’une population virale donnée. Il s’agit du mécanisme majoritairement décrit dans cette étude.

Mécanisme 3 : Activation de l’immunité locale qui permet de générer un environnement favorisant une réplication continue, autonome et durable du virus VIH conduisant à la compartimentalisation anatomique.

Cet article est ainsi très intéressant pour la compréhension des mécanismes de transmission du virus VIH dans le tractus génital masculin. Une perspective pourrait être de déterminer si les caractéristiques phénotypiques du virus jouent un rôle dans la nature de ce mécanisme et dans le type de virus transmis.