Rhumatologie — Risque de fractures chez les femmes séropositives ménopausées

Une étude comparative américaine montre que les femmes infectées par le VIH ont, après la ménopause, une densité minérale osseuse (DMO) particulièrement basse. Elles risquent de ce fait davantage de fractures.

Une DMO basse est couramment signalée chez les jeunes femmes et hommes infectés par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. Avec la généralisation et l’efficacité des traitements antirétroviraux (ART), le nombre des personnes séropositives de 50 ans et plus augmente. Il est devenu nécessaire de mieux comprendre les interrelations entre l’infection à VIH et les maladies liées à l’âge.

Hommes et femmes voient diminuer leur DMO avec l’âge mais les femmes ont un plus grand risque d’ostéoporose, maladie caractérisée par une fragilité excessive du squelette due à une diminution de la masse osseuse ainsi qu’à l’altération de la microarchitecture osseuse provoquant un risque de fractures. L’une des raisons en est la baisse de la production d’œstrogènes après la ménopause. Un taux élevé d’œstrogènes au cours de la vie a un effet protecteur sur les os.

Michael T. Yin et son équipe ont cherché à évaluer les effets de l’infection à VIH et des ART sur la DMO et les modifications osseuses chez des femmes ménopausées. Pour ce faire, ils ont enrôlé dans une étude de cohorte prospective 92 femmes séropositives pour le VIH et 95 femmes séronégatives, toutes âgées de plus de 40 ans et ménopausées. Ces femmes, d’origine hispanique ou afro-américaine, étaient suivies dans deux centres de santé new-yorkais.

T-score et Z-score significativement plus bas chez les femmes séropositives

Après ajustement sur l’âge et l’indice de masse corporelle, les chercheurs ont trouvé que les femmes séropositives sont plus jeunes (56 ans contre 60 en moyenne) et ont une DMO plus basse (28 ± 1 versus 30 ± 1 kg/m2). La prévalence d’un T-score1Une fois calculée, la densité osseuse est comparée à celle d’une population d’adultes jeunes. La différence entre la mesure réalisée chez un individu et la moyenne dans cette population est ce qu’on appelle le T-score. En terme statistique, cette valeur est exprimée en nombre d’écart-type. C’est à partir de ce chiffre que l’Organisation Mondiale de la Santé a défini l’ostéoporose.

  • Normal : T-score supérieur à -1 écart-type
  • Ostéopénie : T-score compris entre -1 et -2,5 écart-type
  • Ostéoporose : T-score inférieur à 2,5 écart-type
  • Ostéoporose sévère : T-score inférieur à 2,5 écart-type et présence d’une ou plusieurs fractures.
 inférieur à -1 était de 78% chez les femmes séropositives contre 64% chez les femmes séronégatives. le Z-score2Le Z-score est la différence entre la mesure réalisée chez l’individu et la moyenne des sujets du même groupe d’âge. était aussi significativement plus bas chez les femmes séropositives. Le taux de cytokines inflammatoires (TNF alpha et IL-6) était plus élevé chez les femmes séropositives, en particulier chez celles sous ART. Par contre les T-scores et Z-scores des femmes séropositives sous ART ou non étaient comparables.

Yin et al. n’ont par contre trouvé aucune corrélation entre la DMO et le taux de Lymphocytes T CD4+, la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. plasmatique ou la durée du traitement antirétroviral.

Le tissu osseux est en perpétuel renouvellement. Le risque de fracture intervient quand la perte tissulaire est plus importante que la formation de nouveau tissu. Les chercheurs ont comparé chez ces femmes deux marqueurs biologiques de ce renouvellement osseux, les N-télopeptides et les C-télopeptides. Les femmes séronégatives avaient un taux de marqueurs de renouvellement plus élevé que les femmes séropositives.

L’hypothèse avait été avancée que le poids, en règle général bas, des personnes séropositives serait largement responsable de cette diminution de la  densité minérale osseuse. Les résultats de cette étude la remettent en question puisque la DMO reste basse après ajustement sur l’indice de masse corporelle.

D’autres travaux ont trouvé une DMO basse chez les personnes séropositives mais la plupart étudiaient des populations plus jeunes. Il est possible qu’à la fois l’infection à VIH et les traitements antirétroviraux aient une influence délétère sur la santé osseuse.

Low bone mass and high bone turnover in postmenopausal human immunodeficiency virus-infected women / M. T. Yin et al. – Journal of clinical endocrinology and metabolism, publication avancée en ligne décembre 2009. – Doi : 10.1210/jc.2009-0708