Recherche — Essai vaccinal thaïlandais: enfin des résultats encourageants !

Après les échecs retentissants des deux premiers essais d’efficacité vaccinale anti-VIH, même les plus optimistes vis-à-vis du vaccin préventif anti-VIH n’y croyaient plus. En particulier après la déception entrainée par les résultats de l’essai STEP (voir notre article: L’essai Step, un coup de semonce dans la recherche vaccinale anti-VIH).

Ces nouvelles données encourageantes proviennent d’un essai clinique de phase III, l’étude RV144, réalisée en Thaïlande et impliquant plus de 16 000 volontaires adultes. La stratégie de primovaccination/rappel («prime-boost») combinant deux vaccins (ALVAC®HIV et AIDSVAX® B/E) a permis de réduire le taux d’infection de 31,2% par rapport au placeboPlacebo Substance inerte, sans activité pharmacologique, ayant la même apparence que le produit auquel on souhaite le comparer. (NDR rien à voir avec le groupe de rock alternatif formé en 1994 à Londres par Brian Molko et Stefan Olsdal.) soit 74 sujets du groupe placebo infectés par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. contre 51 dans le groupe vacciné.

Bien que modeste, la réduction du risque d’infection par le VIH est statistiquement significative. «Ces résultats montrent qu’il est possible de développer un vaccin VIH préventif sûr et efficace», a déclaré le Colonel Nelson Michael, Directeur de la division rétrovirus à l’Institut Walter Reed de recherche de l’armée américaine.

L’importance de la prévention

Tout le monde s’accorde néanmoins pour souligner que, si ces résultats sont encourageants, ils ne doivent pas faire oublier tout le chemin qui reste à parcourir et la nécessité de maintenir les messages de prévention. A ce titre, on notera la faible incidence des contaminations dans les deux bras assez étonnante. Si l’on en croit le premier communiqué de presse, avec 125 contaminations en 3 ans pour 16 000 «volontaires», soit une incidence de 0,7% sur 3 ans. il faut certainement y voir l’efficacité de la sélection des volontaires et/ou des méthodes de counselling et de prévention accompagnant nécessairement l’essai.

Côté résultats, il reste à voir en détails la qualité de la réponse immune (CTL, anticorps neutralisants, immunité muqueuse..), sa durabilité, le devenir de ses infectés malgré le vaccin, les études par sous-groupes de mode de transmission et l’incidence annuelle attendue (à noter que cette incidence était de plus 5,8% dans l’essai STEP et de 3% dans la majorité des cohortes MSM pré-vaccinales).

Reste que, dans la course au vaccin préventif qui doit sa légitimité, entre autres, à l’érosion ou à l’insuffisance actuelle des moyens de prévention et à la flambée épidémique observée en Afrique et en Asie, cette nouvelle fait figure de ballon d’oxygène.

La théorie du «prime-boost»

Les deux premiers essais de phase III conduits en 2003 utilisaient un candidat-vaccin de première génération: une gp120 recombinante exprimée dans deux souches virales, AIDSVAX B/B en Europe et aux Etats-Unis et AIDSVAX B/E en Thaïlande.

Ce dernier constituant est utilisé cette fois non pas seul, mais en «boost» c’est-à-dire pour décupler la réponse immune obtenue avec le premier composant, dit «prime». C’est la  théorie du «prime-boost», un type de schéma vaccinal où la primo vaccination est rapidement suivie d’un rappel par un autre composé vaccinal inducteur d’une réaction croisée avec le premier.

Cet essai RV144 valide donc partiellement cette théorie. C’est au passage une bonne nouvelle pour la recherche vaccinale française conduite par l’ANRS, qui est engagée depuis longtemps dans la voie du «prime-boost» et dans celle des vecteurs recombinant canarypox. Le vCP 1521 VIH utilisé en est l’un des représentants. Ce candidat vaccin recombinant exprime la gp120 d’un isolat primaire du sous-type E, prévalant en Thaïlande, et Gap/Pro du sous-type B.

Le canarypox virus (virus de la variole du canari) est un virus de la famille des poxviridae, responsable de nombreuses pertes dans les élevages avicoles. Ce virus peut pénétrer dans les cellules humaines mais il ne peut pas s’y multiplier ni y survivre. Il fait un cycle abortif chez le mammifère suffisant pour y faire pénétrer des gènes codant pour des protéines immunisantes du VIH.

Rendez-vous à AIDS Vaccine 2009

L’étude RV144 était conduite depuis 2003 par le programme millitaire de recherche états-unien sur le VIH (U.S. Military HIV Research Program), le ministère de la Santé thaïlandais, l’Institut national de l’allergie et des maladies infectieuses (NIAID), Sanofi Pasteur, et l’ONG Global Solutions for Infectious Diseases (GSID). Le premier vaccin, celui qui est utilisé en primo injection et connu sous le nom d’ALVAC® HIV, a été développé par Sanofi Pasteur et le vaccin utilisé en injection de rappel, AIDSVAX® B/E a été dével oppé par VaxGen, dont la licence a été cédée à Global Solutions for Infectious Diseases

Les résultats détaillés de l’étude seront présentés le mois prochain lors de la Conférence AIDS Vaccine 2009, qui se tiendra à Paris du 19 au 22 octobre prochain.